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  • Photo du rédacteurSirine Alkonost

Fenêtre sur l'Iran : femmes puissantes, de Téhéran à Paris

J'aurais aimé que tous ceux qui ont trouvé le chemin de ce blog et cherchent à en savoir plus sur ce qui se passe en Iran aient pu assister à cette soirée à la Gaîté Lyrique, une vraie leçon d'unité et de solidarité, de citoyenneté au sens le plus noble du terme. En voici un résumé en images.


© La Gaîté Lyrique


Vendredi soir à la Gaîté Lyrique, la salle était comble, pour un programme qui répondait à mon sens en tous points aux attentes et aux espoirs de ceux qui, depuis maintenant plus d'un an nous réclament avec une constance qui n'a d'égale que leur détermination: "soyez nos voix !".


Encadrées par Chirinne Ardakani (Présidente du collectif d'avocats "Iran Justice") et Darya Djavahery-Farsi (Présidente de l'association "Neda d'Iran"), de grandes voix féminines venues des quatre coins de la société civile française ont répondu à des lettres de quatre prisonnières politiques iraniennes, écrites depuis les prisons de la République Islamique, spécialement pour être lues ici, à Paris, devant nous, public du "monde libre".

Cet écho donné à la véritable opposition au régime, muselée sur place par la censure et l'incarcération arbitraire, ainsi que la plate-forme offerte à des artistes issues de minorités d'Iran et d'Afghanistan témoignent de la volonté des organisatrices d'ancrer cette soirée dans le respect de la parole authentique de l'opposition au régime, en même temps que de l'importance de l'art et de la culture dans le combat contre la tyrannie.

Darya Djavahery-Farsi (Neda d'Iran)
J'ai noté qu'il y avait une captation vidéo, j'espère qu'elle donnera lieu à une diffusion sur des médias à large audience, car nul ne saurait rester indifférent à ce que nous avons vu et entendu ce soir là, mais en attendant, je vous propose ce petit résumé, forcément partiel et partial, mais qui vous donnera, je l'espère, l'envie d'en apprendre davantage sur cette révolution qui vient, et qui est loin de ne concerner que l'Iran.


La soirée commence par la diffusion d'un extrait de film: "Azadi, na sharghi, na gharbi, jahaani", clame une foule de femmes majoritairement dévoilées. "La liberté n'est ni occidentale, ni orientale, elle est mondiale". Les slogans sont brûlants d'actualité, le discours des femmes interrogées par des militantes féministes françaises en reportage pendant la révolution de 1979 ressemble à celui de leurs filles et petites filles qui sont dans la rue aujourd'hui. Ce document d'archive exceptionnel donne le ton de la soirée.

Élisabeth Nicoli, co-présidente de l'alliance des Femmes pour la démocratie, présente le film et glisse en passant qu'une des militantes ayant participé au tournage est dans la salle ce soir. Ce détail, aussi anecdotique qu'il puisse paraître, est symbolique du propos tenu: cette révolution n'est pas un feu de paille, elle n'est pas une explosion de frustration d'une génération Z qui rêverait de vivre "à l'occidentale". S'il est indéniable qu'elle est portée par la jeunesse, qui lui donne son corps et hélas aussi, son sang, cette révolution plonge ses racines bien au delà. Dans la révolte des femmes spoliées en 1979, et même plus loin encore dans l'histoire de l'Iran.

Après le choc de ces images, Darya Djavahery-Farsi invite sur scène Hura Mirshekari (artiste plasticienne exilée en France depuis plusieurs années et première chanteuse originaire du Sistan-Baloutchestan, à se produire en Europe) et Kubra Khademi (artiste plasticienne Afghane elle aussi en exil, issue de la minorité Hazara) pour une conversation sur l'art, la dictature, le corps et la voix des femmes.

Leur grammaire parfois hésitante trahit leur parcours, leur accent raconte leur exil, mais les mots frappent fort, et ne laissent aucune place à l'ambiguïté.

"En Afghanistan aujourd'hui, c'est de pire en pire, chaque jour, même si personne n'en parle (...) Et la résistance continue, même si vos médias ne le montrent pas. Les afghanes continuent de résister parce que quand on a plus rien à perdre, on n'a plus peur de rien" (Kubra Khademi)

"Je chante, malgré le tabou familial et social, pour que d'autres femmes puissent chanter à leur tour, et qu'on voit leur corps et qu'on entende leur voix" (Hura Mirshekari)

Toutes deux expriment, presque dans les mêmes termes, une réalité similaire: dans une dictature patriarcale, les femmes subissent une double violence, et sont opprimées à la fois dans la sphère publique et la sphère privée. Toutes deux aussi, vivent en exil depuis plusieurs années, un exil qui est le témoignage vivant de la réalité de cette lutte qui ne date pas d'hier, pas d'un an, et qui nourrit le mouvement que nous soutenons aujourd'hui.

Après les femmes de 1979, après les artistes en exil, c'est la romancière Sorour Kasmaï qui prend place sur scène aux côtés de Chirinne Ardakani pour parler de son livre "Femme, Rêve, Liberté", qui donne la parole à des autrices iraniennes. Elle aussi revient sur les racines du soulèvement : "pour moi, Femme Vie Liberté, ça commence avec ces images de mars 1979 (celles du film qui a ouvert la soirée), ou même avant. Cette révolution n'appartient pas seulement à la génération Z. La lutte pour l'émancipation des femmes en Iran a commencé dès le 19 ème siècle, avec des sociétés secrètes pour l'instruction et la libération des femmes". On écoute Chirinne Ardakani lire quelques extraits du recueil et on n'a pas de mal à croire Sorour Kasmaï quand elle parle du "goût de la transgression coupable".




Après les femmes de 1979, les artistes en exil, et les autrices de la diaspora, on arrive au cœur de la soirée, sa raison d'être je crois: les quatre lettres des opposantes actuellement incarcérées en raison de leur combat contre le régime.


Narges Mohammadi, Sepideh Qolyian, Zeinab Jalalian et Golrokh Iraee.

Les lettres ont été publiées par le journal "le Monde" et éditées sous forme de tract distribué ce soir là par la Gaîté Lyrique, vous les trouverez à la fin de ce billet. Je vous invite à les lire dans leur intégralité, elles sont là voix de la Révolution qui vient.

Les extraits de lettres étaient entrecoupés d'hommages vidéo aux héros et héroïnes victimes de la répression de ces derniers mois.

Je retiens aussi quelques mots des réponses apportées par les belles voix qui ont porté ces lettres :

"Vivre malgré tout, c'est résister" dans la réponse de la journaliste Pascale Clark, et surtout, les extraits de poèmes de révolutionnaires soudanais lus par la cinéaste Hind Meddeb: "la révolution m'a beaucoup appris. Elle m'a appris à dire non, pour moi même, pour mon âme, pour mon propre intérêt" et " vous aurez beau nous tuer, notre nombre ne diminue pas, il augmente".

Ces mots sont si familiers, pour moi qui baigne depuis des mois dans les mots qui me viennent d'Iran, que je ne suis plus si certaine de les citer correctement, de mémoire.
Pardon si je me mélange les pinceaux, mais je vois cela comme un signe de plus que notre révolution n'a rien d'un phénomène local. Elle n'est, comme la liberté, ni orientale, ni occidentale, et son appel devrait résonner en chacun de nous.

Le mot de la fin de cette soirée très féminine et féministe avait été laissé à un homme, Taghi Rahmani, Journaliste et ancien prisonnier d'opinion lui même, en plus d'être le mari de Narges Mohammadi.
Il dit en substance la même chose:
"s'il y a un point très important que le public et les politiciens occidentaux n'ont pas encore réalisé, c'est qu'en nous soutenant vous ne faites pas que soutenir notre liberté, mais la vôtre aussi".

Avant cela il y avait eu de la poésie aussi, avec une vidéo musicale envoyée par Najat Vallaud-Belkacem et une lecture poignante par Irène Jacob d'un poème de la grande poétesse Forough Farrokhzad.

À la sortie, Florence, du collectif "Femme Vie Liberté, Culture Mobilisée" distribuait, fidèle au poste, tracts et affichettes, témoins d'une solidarité éclairée.

Nous pouvons être ensemble dans ce combat, tout le monde peut en être, vous pouvez en être.

Nos vies comptent, donnez de la voix.

Femme, vie, liberté.

(ci-dessous, les lettres des prisonnières, issues du tract édité par la Gaîté Lyrique)






Jin, Jiyan, Azadi
devise des féministes kurdes

Femme Vie Liberté

Soutien à la révolution iranienne en cours

Zan, Zendegi, Azadi
cri de la révolution iranienne

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