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  • Photo du rédacteurSirine Alkonost

Fenêtre sur l'Iran: le jour de la Côtelette


Et donc, hier, pour célébrer cet "International Cutlet Day", nombreux sont les Iraniens à avoir cuisiné ce plat, de façon un peu revancharde, pour contrer l'offensive de propagande glorificatrice du régime, qui placardait partout des portraits géants du "héros de la nation". Certains sont allés brûler les portraits, d'autres sont restés à la maison et ont cuisiné.

Je ne voulais rien écrire aujourd'hui. Mais cette fois ci, ils sont venus et ils ont arrêté un cuisinier....
Et la cuisine, c'est sacré.

Alors j'ai décidé de vous donner moi aussi la recette pour faire des Kotlet, ou côtelettes, comme nous les préparons au quotidien, nous les Iraniens.

Mais avant d'en arriver là, je dois dire quelques mots. Premièrement, la raison pour laquelle certains Iraniens ont commencé à appeler Ghasem Soleimani, le commandant de l'IRCG qui a été abattu par les Américains en Irak il y a trois ans, "Kotlet", c'est que le plus gros morceau qui restait de lui, après son explosion, était sa main, détachée du poignet. Elle avait pu être identifiée dans une photographie prise par un inconnu car il portait une grosse bague à l'un de ses doigts.

Les bagues ont leur propre histoire, que je pourrais vous raconter un jour. Mais le sujet ici, c'est que Ghasem, connu de certains sous le nom de Haj-ghasem, a été littéralement réduit en pièces.

Alors, quelqu'un s'est permis de dire sur Twitter qu'il s'était transformé en Kotlet, et c'était tout, ça a suffi. S'il n'avait pas été Iranien, on aurait sans doute parlé de chair à pâtée. Mais en Iran la côtelette est une institution bien plus importante que la pâtée pour chien (qui n'existe officiellement pas puisque les chiens sont interdits, bravo à ceux qui suivent)


Bref, depuis ce moment, le destin de cette nourriture et l'héritage de cette personne ont été soudés l'un à l'autre par un lien indestructible.

Les Iraniens prononcent "Kotlet" exactement comme les français disent côtelette (même si les deux n'ont pas grand chose en commun, à part d'être comestible) et ils ont toujours été très fiers des côtelettes de leur mère, quand ce n'est pas des leurs.

De la même manière, de nombreux Iraniens se sentaient fiers de Haj-ghasem, car il était dépeint partout comme un héros, qui commandait une défense sacrée en Syrie et en Irak. Les photos et les affiches de Haj-ghasem étaient largement diffusées et les gens avaient des autocollants avec son visage sur leurs voitures et leurs motos avant même sa mort. Enfin les gens... Des gens, disons.

Ceux qui croyaient encore à la notion de héros militaire. Personnellement, je soupçonnais depuis longtemps qu'il serait tué, et que la République Islamique ferait de lui un martyr ne serait-ce qu'à cause de l'importance de l'investissement de la machine de propagande iranienne dans la construction de son personnage dans l'imaginaire collectif national.

Mais Haj-Ghasem était vraiment un criminel, en réalité, et en aucun cas un héros. La liste de ses crimes va au-delà des possibilités qu'offre cet article, mais il était clairement un criminel majeur à plusieurs niveaux, et pas aussi intelligent qu'on le dit, ni particulièrement charismatique ou charmant non plus. En bref, il n'était pas l'homme qu'ils ont dit qu'il était, et son héritage est fait de davantage de fiction que de vérité historique.

Et comme pour achever de convaincre les sceptiques, Gohar Eshghi, la mère de l'un de nos héros, Sattar Beheshti, a déclaré il y a quelque temps, "je ferai cuire des kotlets pour mes enfants", enfin, après notre victoire sur ce régime criminel qu'est la République Islamique, s'entend.

Gohar est une femme courageuse, comme on en voit normalement une fois tous les mille ans. C'est une vraie héroïne, de mon point de vue, et je la respecte pour un million de raisons. Son histoire est très importante et inoubliable pour la plupart d'entre nous.


Il semble donc compréhensible que sa prise de position gastronomique ait mis plus d'huile sur le feu, dans les cuisines familiales iraniennes où des kotlets sont fabriquées chaque jour depuis des siècles, pour en faire un geste symbolique contre l'héritage de Haj-Ghasem et de la république islamique, dont il était un des plus importants représentants.

Donc, maintenant, nous sommes confrontés à une nouvelle réalité : l'inauguration du "jour de la Kotlet" , une toute nouvelle célébration culturelle qui tombe opportunément le même jour que la mort de Ghassem Soleimani par transformation en... Bref, vous m'avez compris.


Et donc, hier, pour célébrer cet "International Cutlet Day", nombreux sont les iraniens à avoir cuisiné ce plat, de façon un peu revancharde, pour contrer l'offensive de propagande glorificatrice du régime, qui placardait partout des portraits géants du "héros de la nation".
Certains sont allés brûler les portraits, d'autres sont restés à la maison et ont cuisiné.

Navab Ebrahimi, lui, a mis en ligne un tuto de cuisine. Ce jeune chef d'un café restaurant de Téhéran y proposait sa version facile et rapide de réaliser ce plat simple et délicieux, sur son compte instagram où il publie régulièrement de tels tutoriels.

Et bien croyez le ou non, juste après avoir publié sa recette, il a été arrêté et incarcéré à Evin, son instagram fermé et son établissement placé sous scellé, ce qui, en plus d'être un événement horrible, est aussi une bien étrange façon pour le régime de donner une véritable légitimité à un "international Cutlet day" qui n'avait jusqu'alors qu'une existence clandestine et implicite.
Bref, vous comprendrez bien que maintenant, je suis pour ainsi dire obligé de vous proposer ma propre recette, moi aussi, pour que vous puissiez cuisiner vos propres Kotlets, par solidarité ou par gourmandise, c'est à vous de voir.

Mais je dois aussi vous dire ici, que je suis à titre personnel opposé à l'idée de faire le lien entre un vrai plat parfaitement délicieux et un faux héros militaire parfaitement dégueulasse.

Déjà, je ne crois pas que ce soit très agréable de célébrer la mort et l'humiliation - je préfère célébrer la vie des gens que j'aime, que la mort d'un con. Je ne sais pas, peut-être que je suis démodé. Mais, Haj-Ghasem est mort, et ça me va que l'homme reste mort.

Cela ne me convient tout simplement pas d'utiliser ce genre de rhétorique même dans un conflit aussi boueux.

Nous devons nous rappeler qu'en fin de compte, tous les Iraniens doivent rester unis et vivre ensemble. Même si je pense qu'il n'était rien de son vivant, et même si je n'aime rien au sujet de cette personne, je pense qu'insulter un mort n'est pas la meilleure façon de procéder.

De plus, je ne veux pas que le sort de délicieuses côtelettes soit lié à une telle personnalité.
Je préfère les cuisiner en pensant à ma mère. Mais je crains qu'il ne soit trop tard pour cela maintenant.

Et en plus de toutes ces raisons, je dois avouer qu'aussi détestable qu'ait été ce personnage, je ne pense pas pour autant que les Américains avaient le droit de faire ce qu'ils ont fait. Ils ont tué un Iranien, en territoire irakien, à des milliers de kilomètres de leurs propres cuisines.

Ni Ghasem, ni les Américains n'auraient dû être là en Irak pour commencer.

Et une dernière chose : Pourquoi les Américains n'ont-ils pas eu le courage de le tuer en Iran ? Cela aurait même été plus simple sur le plan technique, d'après certains articles que j'ai pu lire. Pourquoi en Irak ? Non rien de tout cela n'est correct, et les côtelettes n'y étaient pour rien.


Quoi qu'il en soit, voici la recette, d'une source fiable, une vraie bonne recette, avec des recherches supplémentaires et des inspections approfondies, et des tests pratiqués juste pour vous, aujourd'hui même, par sécurité.

Et au cas où vous ne partageriez pas mon point de vue et que vous vouliez toujours cuisiner mes côtelettes en mémoire de la mort de Ghasem, ainsi soit-ils, elles n'en seront pas moins savoureuses.


Moi, tant qu' à faire, quitte à cuisiner, j'aurais préféré préparer quelque chose de chouette en hommage aux victimes du vol ukrainien 752, qui a vraiment été un dommage collatéral de toute cette histoire.

C'étaient des gens innocents, qui n'avaient rien à voir avec tout cela, et eux et leurs familles ne méritaient pas du tout ce qui leur est arrivé. Cette chose au moins est certaine, si rien d'autre ne l'est. Mais je crois aux valeurs démocratiques, et à la liberté de choix, jusque dans les fourneaux. Je te donne la recette et tu en fais ce que tu veux.

Recette des côtelettes iraniennes (Kotlet)

Côtelette, est un mot français, malgré le fait qu'il s'agisse d'une recette russe; mais qui a quelque peu changé en arrivant à Téhéran.

Ma conjecture personnelle est que la recette a atteint l'Iran, par le biais du peuple arménien, qui a émigré ici, peut-être à l'époque où de violentes agressions contre eux ont été menées depuis la Turquie. De nombreux Arméniens ont été massacrés à cette époque.

Voici les ingrédients:

1 kg de viande hachée (du bœuf ou idéalement un mélange 50/50 de bœuf et de mouton, c'est selon vos préférences)

1 oignon moyen, râpé

1 Oeuf, (pondu par une poule libre de préférence)

½ Kg de Pommes de terre mi-cuites puis râpées

½ tasse de lait

1 cuillère à café de citron vert séché en poudre

½ tasse de chapelure
De l'huile

Du sel

Du poivre noir

Une fois que vous avez préparé ces ingrédients, commencez par verser le lait sur la chapelure. Laissez-le reposer pendant environ 10-15 minutes, puis écrasez-les en une pâte.

Si la pâte est trop dure, ajouter un peu de lait.

Cassez l'œuf sur la viande hachée, ajoutez la pomme de terre et l'oignon, le lait et la pâte de chapelure, un peu d'huile, du sel et du poivre, puis mélangez et écrasez-le avec vos mains. Il peut être utile de ramasser le mélange et de le briser plusieurs fois sur une planche à découper pour ajouter de la consistance.

Maintenant, moulez le mélange soit avec vos mains, soit avec une grosse cuillère. Étalez un peu de chapelure sur un plateau, placez les morceaux sur le plateau et saupoudrez-les de plus de chapelure.

Faire chauffer un peu d'huile dans une poêle. Vous pouvez savoir si l'huile est assez chaude en plaçant un petit morceau de côtelette à l'intérieur. Quand ça commence à mijoter, c'est assez chaud.

Mettre les côtelettes dans l'huile. Retourner après 4-5 minutes.

Une fois les deux côtés entièrement frits, retirez-les à l'aide d'une spatule et placez-les sur un plat.

Si le niveau d'huile devient trop bas, ajouter un peu plus d'huile.

Les côtelettes peuvent être servies chaudes ou froides. Elles se marient très bien avec divers pains et herbes fraîches, comme le basilic, la coriandre, le cresson, l'aneth, la ciboulette , la menthe, le persil et l'estragon.

Chaudes, elles peuvent être servies avec des frites au couteau ou du riz à l'iranienne et une sauce à base de tomates fraîches et d'ail.

Si vos côtelettes commencent à s'effondrer à la cuisson, c'est qu'il y a trop d'oignon et de pomme de terre, et pas assez de viande.

Si vous souhaitez être très pointilleux sur la préparation de la viande, demandez à votre boucher de vous proposer un mélange de jarrets ou d'épaules de mouton, avec un filet de cou de vache. Le mouton contient généralement plus de graisse, et vous ne devez pas séparer et jeter cette graisse. Vous pouvez hacher les viandes ensemble, et c'est le moyen le plus populaire en Iran. Mais si vous n'avez pas les moyens de faire un tel mélange dans votre pays, ne vous inquiétez pas, et vous y arriverez avec n'importe quelle viande hachée que vous avez.
Bon appétit.

Jin, Jiyan, Azadi
devise des féministes kurdes

Femme Vie Liberté

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Zan, Zendegi, Azadi
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