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  • Photo du rédacteurSirine Alkonost

Urgence Iran: Mais à qui profite le crime !?

Le fossé se creuse, entre la réalité du terrain, où la violence d'état n'en finit pas de se surpasser, et les discours et actions de "la communauté internationale". Aussi essentiels que soient les témoignages directs, j'ai le sentiment qu'il est temps, maintenant, de faire un peu plus de bruit. Lisez, partager, questionnez, participez. C'est une question de vie ou de mort.
La réalité a-t-elle encore un sens en Iran?

Le pouvoir utilise sa mainmise totale sur la production et la diffusion de contenus médiatiques pour promouvoir sa propagande. A ce jour, il continue de clamer que Mahsa Jina Amini (la jeune fille dont le décès suite à son arrestation pour un foulard mal porté a déclenché le mouvement actuel) est morte de causes naturelles. Il fournit également des motifs plus invraisemblables les uns que les autres pour justifier les nombreux décès liés à la répression violente des manifestations. Si l'on en croit la télévision d'état, il y a tout à coup, depuis septembre 2022, beaucoup plus d'accidents de voiture, de suicides d'adolescents, de "chutes depuis une hauteur", et de crises cardiaques chez des jeunes de moins de 20 ans sans pathologies connues.



Dans un autre registre, vous apprendrez avec intérêt que tous ceux que nous appelons des "prisonniers d'opinion", ou des victimes d'arrestations arbitraires, sont en réalité des espions formés par les Etats-Unis et Israël, et infiltrés dans la population pour propager des discours subversifs destinés à déstabiliser la société. Cette catégorie inclut les 7 otages français, dont certains ont été forcés à faire des "confessions" filmées où ils avouent avoir été recrutés par la DGSE.



Je suppose que c'est ici que je dois préciser que la torture est monnaie courante dans les prisons iraniennes, en particulier pour obtenir des aveux (nécessaires pour pouvoir prononcer une peine) et que personne en Iran ne prend au sérieux quoi que ce soit, à partir du moment où c'est diffusé par la télévision d'état.


Mais attention, pour se retrouver en prison, ou être victime des violences mortelles des forces de répression il n'est pas nécessaire d'être ce genre d'espion imaginaire, ni même d'avoir commis des actes répréhensibles. Et par "actes répréhensibles" je fais référence à des choses comme: prendre son petit déjeuner sans voile dans un restaurant, danser dans un espace public, manifester pacifiquement pour protester contre la violence du régime, publier une recette de côtelettes le jour anniversaire de l'assassinat d'un haut gradé du régime, arracher une page de son livre de classe ou figure un portrait du Guide Suprême, réciter un poème, broder un t-shirt, chanter une chanson, refuser de chanter une chanson, soigner des blessés, filmer quelque chose avec son téléphone, ou klaxonner, au volant de sa voiture à l'arrêt.


Pas besoin, en effet, de vous donner tout ce mal: vous pouvez gagner votre ticket pour la prison, l'hôpital ou le cimetière, uniquement en habitant chez vous.

La police viendra frapper à votre porte, avec une convocation nominative. Ils vous préciseront bien que si vous ne l'honorez pas, ils reviendront, mais que cette fois ils vous arrêteront. Quand vous vous présenterez pour l'interrogatoire, vous vous ferez gronder parce que des drones ont repéré des "activités anti-gouvernementales " dans votre immeuble. Plus précisément, des gens qui crient "mort au dictateur" et "à bas la république islamique tueuse d'enfants" à leurs fenêtres, à 21h. Vous pouvez toujours dire que personne chez vous n'a crié, ça ne change rien, vous voilà promu "responsable d'immeuble". Si il y a encore des cris dans votre quartier, soyez bien prévenu que l'eau, le gaz et l'électricité seront coupés dans tout le bâtiment, et l'entrée du parking bloquée avec des parpaings et du ciment. Et vous, vous irez en prison. Et puis c'est tout, estimez-vous heureux qu'on vous laisse une deuxième chance.

Un autre moyen de rencontrer prématurément votre créateur est d'être né au Baloutchestan. Si vous vivez à Zahedan, par exemple, il y a de fortes chances pour que vous manifestiez tous les vendredis depuis des mois, pour protester contre le traitement inhumain dont est victime votre communauté. Dans ce cas, vous pourriez vous faire tirer dessus à bout portant avec des armes de guerre, ou si vous êtes une petite fille de douze ans, vous pourriez juste vous prendre une bombe lacrymogène en pleine tête et mourir comme ça, par terre, pour rien. Si vous avez survécu au grattage, il vous reste une chance au tirage: en plus des violences, chaque vendredi apporte son lot d'arrestations, et les exécutions se succèdent après des procès surréalistes, qui durent parfois 5 minutes douche comprise, et sans que l'on puisse en tenir le compte, car le Baloutchestan subit depuis des mois les coupures d'internet les plus sévères du territoire.

Le régime se débrouille donc très bien pour museler et supprimer la population, mais parfois, la nature lui file un coup de main, comme à Khoy, où un récent tremblement de terre de magnitude 5,9 n'en finit pas de produire des répliques, semant la destruction et jetant dans les rues glaciales près de 80% des habitants (dont des centaines de blessés). Bien entendu, le régime ne vient pas au secours des gens, mais il y a mieux : ils refusent l'aide internationale (par exemple celle de la Turquie et l'Azerbaïdjan), confisquent les convois de vivres, médicaments et radiateurs électriques organisés par des villes avoisinantes, et bloquent même les comptes en banque de ceux qui essaient de réunir des fonds pour secourir les très nombreux blessés et sans abri.



Mais il y a (encore) mieux... quand les victimes du séisme se sont regroupés devant les bâtiments officiels de la ville pour réclamer de l'aide, avec juste les vêtements qu'ils avaient sur le dos, leurs lèvres gercées et leurs estomacs vides, les forces de l'ordre (qui contrairement aux hôpitaux, avaient reçu des renforts) ont rétorqué avec.... des canons à eau. Glacée, donc.



Ou alors, vous pourriez être une femme, et avoir une crise d'appendicite. Pour peu que vous soyez un peu têtue, et que vous vous obstiniez à ne pas porter le foulard obligatoire, les hôpitaux ont pour consigne officielle (et ostentatoirement assumée sur de grands panneaux rutilants) de vous refuser tout soin. La péritonite comme outil de répression, il fallait y penser.

Tout se passe comme si, au mépris du principe de réalité, la République Islamique, et son ombre fidèle, l'IRGC, cherchaient à cocher toutes les cases de toutes les listes de crimes contre l'humanité que l'humanité elle-même puisse jamais imaginer, tout en se parant simultanément de ses plus beaux atours culturels, humanistes et progressistes, à coup de vitrines vidéo sur Youtube et Instagram, échanges culturels, festivals et "conférence internationale d'influenceuses."

Quand on va regarder un spectacle de marionnettes, il y a une sorte de contrat tacite entre l'artiste et le public, qui accepte de se laisser duper, pour pouvoir profiter de la performance. Ce serait beaucoup moins amusant, si au moment où le méchant s'approche tout doucement derrière le héros, le public soupirait "mais n'importe quoi, on voit bien que c'est une marionnette. Et le gourdin, il est en mousse.
Guignol ne risque rien." Les enfants ne sont pas débiles, ils ont bien vu qu'il y avait un bras humain à l'intérieur de Guignol. Si ils tremblent et s'agitent malgré tout, c'est à cause de ce contrat tacite. Pour pouvoir profiter du spectacle et rentrer chez eux contents.

Mais les gens, les vrais adultes responsables, indépendants et éduqués, qui regardent ce qui se passe en Iran, et qui font mine de se satisfaire du ballet de dupes entre les vitrines de la République Islamique et les ronds de jambes des politiciens et personnalités du monde libre... quel contrat ont-ils donc signé? Au nom de quel confort matériel ou intellectuel, dans l'espoir de quelle rétribution ont-ils accepté de se laisser embobiner?



Ne vous laissez pas anesthésier, ne laissez pas le non-sens vous avaler vous aussi. N'acceptez pas que cette liste des diverses façons de mourir aux mains de la république islamique continue de s'allonger et de ressembler, chaque jour un peu plus, à une version macabre d'inventaire de George Perec.



Soyez notre voix, mais surtout UTILISEZ votre voix. Faites-vous entendre. Ne soyez pas les dindons d'une farce qui ne vous rapporte rien!


Jin, Jiyan, Azadi
devise des féministes kurdes

Femme Vie Liberté

Soutien à la révolution iranienne en cours

Zan, Zendegi, Azadi
cri de la révolution iranienne

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