Carl Sagan, Saadi, des enfants morts en mer, une Sirène, une affiche rouge et des Iraniens à la Sorbonne, pour un appel à l'humanité en chacun de nous.
Les cinq passagers du "sous-marin" Titan avaient payé une fortune (250 000 euros par personne) pour un voyage qui leur aura finalement coûté la vie.
Nombreux sont ceux à qui le parallèle avec les 750 passagers du bateau qui a sombré dans la méditerranée la semaine dernière (qui avaient eux aussi payé "une fortune", à leur échelle) n'a pas échappé.
Difficile de ne pas s'interroger sur la valeur relative d'une vie humaine. Difficile d'ignorer que le traitement médiatique, les moyens de sauvetage mis en œuvre, le type d'images et de reportages diffusés et les réactions publiques, n'ont pas été les mêmes.
L'empathie est à géométrie variable, téléguidée par les choix faits par les rédactions de nos grands médias et de nos réseaux sociaux.
J'ai lu quelque part que Suleman Dawood, le jeune garçon présent parmi les 5 victimes du Titan était terrorisé par l'expédition. Je n'ai pas entendu de témoignages de rescapés du naufrage (uniquement des hommes plutôt jeunes- les femmes, les enfants et les vieux ayant tous péri, puisqu'ils étaient piégés à l'intérieur, où ils avaient été mis, ironie tragique, pour leur sécurité) mais je ne doute pas qu'ils en auraient eu autant à dire que la tante de Suleman, concernant la peur ressentie par tous ces enfants, au moment d'embarquer.
Étant moi-même mère d'adolescents, j'ai eu du mal à ne pas penser à cette citation (de la poétesse britannico-somalienne Warsan Shire) qui a pas mal circulé lors du naufrage:
"personne ne met son enfant sur un bateau, à moins que l'eau ne soit plus sûre que la terre ferme".
Mais pourquoi je vous parle d'enfants de millionnaires et de réfugiés morts en mer, sur un blog consacré à la révolution en Iran?
Je vous promets qu'il y a un rapport, il suffit de prendre un peu de "recul".
Aujourd'hui j'ai vu passer sur Twitter un message émanant du "conseil de la résistance iranienne" (le nom sous lequel avancent, à peine masqués, les Moudjahedine du peuple, pour tenter de convaincre l'Occident qu'ils représentent l'opposition au régime), protestant contre l'interdiction qui leur aurait été faite de manifester à Paris.
Je me préparais à répondre à ce message, pour signaler aux lecteurs occidentaux non avertis que ce mouvement sectaire ne représente en aucun cas le soulèvement féministe, progressiste et démocratique qui se dresse aujourd'hui contre la République Islamique dans les rues d'Iran, sur les réseaux sociaux, et à travers toute la diaspora, mais je n'ai pas réussi... Parce que j'ai lu les commentaires.
"allez donc manifester chez vous"
"votre drapeau n'a rien à faire dans nos rues"
"vous êtes des ingrats, notre pays vous accueille et vous insultez nos institutions"
"si vous n'êtes pas contents, rentrez au bled"
"n'exportez pas vos conflits barbares dans nos démocraties"
Je suis bien consciente que ces commentaires ne sont pas représentatifs, mais ils sont bien réels. Et sans aller jusqu'à l'agressivité et le rejet, force est de constater qu'à travers toutes les démocraties occidentales, l'indifférence est de mise, occasionnellement teintée d'une compassion distante.
Le monde libre se permet de se laver ostensiblement les mains de la souffrance d'autrui, en prenant prétexte de ces mêmes frontières qu' il choisit pourtant d'ignorer dès qu'il s'agit de faire circuler des ressources, des informations ou des richesses.
Le poème de Saadi connu en Occident sous le nom de "Bani Adam" nous incite à une autre approche, en déclarant en substance que les êtres humains sont les membres d'un même corps, qu'on ne peut en faire souffrir un sans affecter l'ensemble, et que celui qui est indifférent à la souffrance d'autrui ne saurait se réclamer de l'humanité.
Que faire, alors ? Que doivent faire les "gens de bonne volonté"? Que pouvons nous faire ?
La réponse est toujours la même, je crois : ne pas nous taire, ne pas baisser les bras, tenter de faire nombre.
J'ai assisté hier soir, au MK2 Beaubourg, à l'avant-première du film d'animation "La Sirène", de Sepideh Farsi.
Outre le fait qu'il s'agit d'un film intelligent, sensible et très beau, avec une bande originale envoûtante et des images percutantes, il porte une vision humaniste et universelle qui est précieuse, par les temps qui courent.
Allez voir ce genre de film.
Et mardi soir, il y avait un événement à la Sorbonne, organisé par plusieurs collectifs et associations qui soutiennent et alimentent le combat du peuple iranien.
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