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Photo du rédacteurSirine Alkonost

Voix d'Iran: Ad Nauseam

La question demeure, elle se répète à l'infini, jusqu'à la nausée... Jusqu'où exactement pourront-ils aller trop loin ?

Puisque nous parlons depuis quelques jours de "nourriture dissidente", de comportements insultants et d'activisme culinaire, j'aimerais parler d'un autre plat qui est au menu de cette Révolution. Le "Sabzi-polo ba mahi", (riz aux herbes avec du poisson) est probablement en tête de la liste, atteignant un statut où il est souvent retiré des cartes des restaurants pour des raisons politiques et pour éviter des situations embarrassantes.

Mais pourquoi le riz aux herbes avec du poisson ? Et bien c'est parce que le nom de ce plat (au demeurant délicieux) rime avec bon nombre d'injures vulgaires, adressées depuis un bon moment aux responsables de la République islamique.
Je pense que le recours à ce plat en particulier a d'abord été introduit dans le Grand Bazar de Téhéran. Les gens de ces quartiers ont leurs propres façons d'exprimer leurs sentiments. Je sais qu'il a aussi été beaucoup utilisé lors des affrontements entourant la non mixité des cantines universitaires.
Concevoir des slogans est un art à part entière. Et l'un des problèmes majeurs de la langue persane est que les choses doivent rimer correctement, sinon elles sont vouées à l'échec.
Si vous pouvez trouver quelque chose de savoureux, fort et corsé ou fruité par nature, qui pourrait à la fois insulter l'ennemi et contenir la nature de votre protestation, ou votre position politique, alors vous tenez un bon slogan.
Mais si vous persistez à crier quelque chose qui ne rime pas, cela ne fonctionnera tout simplement jamais. Notre langue ne souffre pas les approximations.
Pour une raison quelconque, certaines personnes choisissent de recourir à la nourriture, quand il s'agit de faire rimer les choses. Et il semble que le peuple iranien réussisse d'autant mieux à rimer qu' il est plus en colère et plus contrarié.
Je dis cela par expérience, car il ne semble pas si bien rimer, quand les choses ne sont pas très critiques.
C'est dans le même contexte qu'en 1979, les gens ont proposé des choses comme "on dit qu'on ne veut pas de l'âne, et eux, ils changent la selle", en référence au moment où le Shah change de Premier ministre, espérant calmer les choses. C'était trop peu, et trop tard bien sûr. Mais appeler le Shah un âne, c'était aussi loin qu'ils étaient prêts à aller à l'époque, pour autant que je sache.
Maintenant, en 2023, la situation a ses similitudes, mais je n'ai aucun souvenir que qui que ce soit qui ait jamais parlé des parties génitales ou des mères et des sœurs de qui que ce soit en 1979, alors que malheureusement ces jours ci nous entendons et même lisons sur des pancartes et voyons dans les commentaires sur les réseaux sociaux, des slogans très orduriers, parfois même portés par des femmes, qui ne se rendent pas forcément compte de leur aspect souvent sexiste et dégradant.
Cette révolution est belle et noble mais il ne faut pas se voiler la face ou faire de l'angélisme. Malheureusement, il y a des cas où des femmes portant le hijab sont insultées ou même agressées physiquement, et j'ai entendu dire par des femmes qui portent le tchador : " les autres femmes me regardent avec une telle haine dans les yeux, quand je suis dans la rue".
Le fait est qu'il est beaucoup plus facile pour les gens d'être d'un côté ou de l'autre d'une ligne claire, une ligne imaginaire tracée entre pro et anti-Hejab.
Il est plus difficile pour les gens de se demander calmement si le hijab devrait être obligatoire ou non.
Le hijab ne devrait pas être obligatoire. Mais les femmes ne devraient pas plus être obligées d'enlever les vêtements qu'elles choisissent de porter. Le hijab est une sorte de vêtement après tout, comme nous l'avons déjà écrit à ce sujet.
Il devient de plus en plus difficile de faire passer des messages comme celui-ci, et l'extrême violence de la république islamique a radicalisé ses opposants, parfois au-delà de diverses frontières éthiques.
C'est une vraie préoccupation, que je ne vois personne aborder. Et je crains que la nature profondément « inclusive » de cette révolution ne se perde peu à peu dans ce problème.
C'est dans le même ordre d'idées que je ne pense pas que l'utilisation d'insultes ait beaucoup d'effets positifs dans un conflit culturel par nature.
Certaines personnes soutiennent que les insultes sont importantes car elles remettent en question la nature "sainte" ou "sacrée" des mollahs, du chef suprême et de tous leurs concepts religieux, et elles affirment qu'il est bon de briser ces tabous et de faire comprendre aux gens que nous ne voyons rien de saint ou de surnaturel à propos de ces personnes et de leurs actions.
On est bien d'accord! Ces gens sont les mêmes que vous et moi, des êtres faits de chair et de sang.
Mais je reste convaincu que nous ne devrions jamais être salaces (en dehors des relations intimes, bien sûr, pour ceux qui aiment ça) .
Ceci posé, je ne voudrais en aucun cas que mes propos soient interprétés comme de l'indulgence envers ces gens. Ils ne le méritent pas et nous avons déjà établi que la République Islamique n'a absolument aucune limite en matière d'éthique.
Donc, ce ne sont là que quelques réflexions personnelles que je partage avec vous. Ça ne va pas plus loin.
La liberté d'expression garantit le droit de chacun à faire rimer n'importe quoi avec n'importe quoi d'autre, si il le souhaite.
Nous devons cependant nous rappeler que c'est précisément pour cela que nous nous battons. La liberté d'expression.
Est ce que cela ne donne pas une mauvaise image de notre combat, si nous donnons l'impression que notre idée de la liberté d'expression, c'est simplement de sortir dans la rue en criant des insanités ?
Je dis ça, mais en même temps, je dois avouer que, d'après mon expérience personnelle, il existe des gens qui ne réagiront jamais, à moins d'être un peu malmenés (verbalement).
Je suppose que c'est encore un exploit à mettre au crédit de la dictature fasciste de la République Islamique... Après avoir réussi à faire abjurer le Coran à des jeunes musulmans au seuil de la mort, à faire retirer leurs voiles à des vieilles femmes qui le portaient depuis trois quarts de siècle avec une sincère piété, elle est donc parvenue à mettre les pires insultes sexuelles dans les bouches des mères de familles respectables, des étudiants les brillants du pays, des médecins ou des avocats.
La question demeure, elle se répète à l'infini, jusqu'à la nausée...
Jusqu'où exactement pourront ils aller trop loin ?




















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