« Le silence ne suffit plus, même un silence héroïque, même un silence que tous les médias du monde libre ont qualifié d'historique. » Ce témoignage reçu aujourd'hui de Téhéran développe un point de vue très critique sur le geste symbolique de l'équipe nationale hier, et alerte sur les crimes en cours.
Angleterre 6 – Iran 2, Team Melli, 0
C'est le résultat du match d'hier. Certes, la Team Melli a refusé de chanter l'hymne mais pour nous ici dans les rues pleines de cris et de détonations, le silence ne suffit plus, même un silence héroïque, même un silence que tous les médias du monde libre ont qualifié d'historique.
Le gouvernement iranien tue des enfants et exploite ensuite leur image pour sa propagande.
Le gouvernement iranien torture des artistes, des cinéastes, des journalistes et des défenseurs des droits de l'homme dans ses prisons.
Le gouvernement iranien a ajouté l'usage des violences sexuelles et du viol à son arsenal de répression
Le gouvernement iranien vole les cadavres de ses victimes pour empêcher leur autopsie ou pour éviter que leurs enterrements donnent lieu à de nouvelles manifestations.
Le gouvernement iranien terrorise les familles des victimes de sa répression pour les réduire au silence.
Et le peuple iranien sait tout cela.
Les joueurs de foot le savent aussi.
Mais l'équipe nationale est quand même venue s'incliner devant le chef de ce gouvernement comme s'il était un empereur sur son trône, avant de s'envoler pour le Qatar où les joueurs décident finalement de garder leurs lèvres scellées lorsque l'hymne est joué...
Mais, non, ce silence ne suffit plus.
Pensez-vous que ce soit une coïncidence si les forces de la République islamique ont déclenché des attaques d'une ampleur sans précédent, (contre des villes kurdes principalement) à la même heure que le match ?
"Non!" répondent les Iraniens. Non! Rien ne sauvera la Team Melli de la haine du peuple. Plus maintenant. A moins qu'ils ne viennent saigner avec nous, ils ne sont plus "nous".
Les habitants du Kurdistan sont l'épine dorsale, les os du squelette de notre pays, et la République Islamique essaie de les briser.
La République Islamique essaie d'utiliser le spectre du séparatisme comme excuse pour assassiner ses propres citoyens mais s'il y a une séparation à faire, c'est la République Islamique, qui doit être séparée de l'Iran. Sectionnée proprement et définitivement.
Nous avons appris que la présidente du Parlement Européen a déclaré qu'il n'y aurait pas de contact direct entre le Parlement et les homologues iraniens jusqu'à nouvel ordre.
N'y a-t-il pas un seul pays membre de ce parlement qui souhaite intervenir et faire de même dans sa propre capitale ?
Quelqu'un a-t-il déjà, même commencé à se dire, "Peut-être que ce n'est pas une si bonne idée de laisser cette ambassade ouverte plus longtemps" ?
Quelqu'un y pense-t-il sérieusement quelque part ? Le gouvernement iranien assassine son propre peuple.
Le gouvernement iranien tue des enfants, et pas par accident.
Le gouvernement iranien arrête de plus en plus de personnalités du monde de la culture.
Le gouvernement iranien mène un holocauste contre notre peuple.
Ces mots là sont ils plus clairs ?
Et même, la république islamique est sur le point de commencer le nettoyage ethnique du Kurdistan.
Quelqu'un peut-il nous entendre ? Quelqu'un peut-il entendre le cri des habitants de Mahabad ? Saghez ? Boukan ? Sanandaj ?
Pouvez-vous nous entendre, vous dont l'internet haut débit fonctionne parfaitement et dont les journalistes ne risquent pas la prison, la torture et la mort ?
Ce silence est assourdissant. Il assourdit les oreilles iraniennes. Il assourdit les oreilles de gens à qui vous aurez envie de parler un jour.
Ne soyez pas comme l'équipe nationale de football. Si vous n'entendez pas les Iraniens, ils perdront foi en vous aussi, et ensuite il sera trop tard.
Avez-vous entendu parler de cette jeune fille de 15 ans, à qui on a tiré dessus, dans le dos avec un fusil de chasse ? Saviez-vous qu'elle était soignée à domicile (les manifestants ont peur d'aller à l'hôpital, car la police y repère les blessés et procède à des arrestations arbitraires) et que les pharmacies ne pouvaient pas fournir de sérums ou d'antibiotiques ? Avez-vous vu à quoi ressemble son dos ?
Si vous connaissiez le peuple kurde, vous le sauriez : ils ne reculeront pas. Le peuple du Kurdistan ne sait pas comment on bat en retraite. La retraite n'a jamais été une option pour eux. Et cette réalité historique dont le peuple du Kurdistan fait l'expérience depuis mille ans, et bien les habitants de Téhéran et de nombreuses autres grandes villes d'Iran comprennent qu'ils sont dans la même position maintenant: battre en retraite n'est plus une option.
Le temps presse, et nous roulons de plus en plus vite vers un cataclysme. Nous sortirons, à l'autre bout de ce tunnel, d'une manière ou d'une autre. Nous sortirons, car il n'y a pas d'autre choix. Mais vous ne pouvez pas vous contenter de nous attendre à la sortie.
J'ai rencontré la mère d'un prisonnier hier. Elle a dit qu'elle avait parlé à son fils au téléphone hier. Les appels téléphoniques sont limités en durée comme en fréquence.
Son fils avait dit : "Nous n'avons pas assez de nourriture ici. S'il vous plaît, envoyez de l'argent, afin que nous puissions acheter de la nourriture". C'est l'un des 14 ou 15 000 iraniens qui ont été arrêtés au cours des 60 derniers jours.
Depuis plus de 60 jours le régime garde ouverte une plaie géante dans le flanc de la nation... allez vous simplement nous regarder saigner ?
Je m'excuse pour le ton de ce message. Mais l'urgence est réelle, et puisque j'ai cette petite plate-forme pour réussir à vous atteindre, j'ai l'impression que c'est mon devoir d'avertir quiconque voudra bien l'entendre.
Si vous vous en rendez compte trop tard, et que le monde est à nouveau confronté à des camps de concentration, à des fosses communes et à des choses similaires à Auschwitz, il ne pourra plus y faire face de la même manière qu'avant. Les répercussions seront différentes. Le monde en 2022 ne peut pas répondre à des choses comme ça de la même manière qu'il l'a fait en 1944. Vous non plus, n'en ressortirez pas indemnes, si la République Islamique écrase la révolution du peuple d'Iran.
Fermez les ambassades et rejoignez notre combat pour les femmes d'Iran, contre le régime qui les prive de leurs droits. Pour le respect de la vie, contre une culture de la mort, et pour la liberté, contre l'oppression fasciste.
Arrêtez ces criminels qui baignent dans les larmes de nos mères et dans le sang de nos enfants morts.
Nos vies comptent, soyez notre voix.
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