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Photo du rédacteurSirine Alkonost

Voix d'Iran - Dieu, amour et grenades

C'est toujours un peu surprenant quand vous rencontrez un « meurtrier » ou un « voleur » pour la première fois, et que vous réalisez qu'ils ont des noms, des mères et des pères, tout comme vous et moi.
La grenade (note de la traductrice : ce texte fait suite à celui d'hier. Il ne contient pas de scoops sur les manifestations d'aujourd'hui, mais une réflexion plus en profondeur. C'est aussi cela, "être leur voix". Merci à ceux qui sauront l'entendre.)
On dit que ceux qui aiment ce qu'ils font, le font mieux que les autres. Ou bien, si vous préférez, les meilleurs, dans n'importe quel domaine, ce sont ceux qui aiment ce qu'ils font.
Ce matin, je me disais... Je suppose que ces gens de la république islamique, si ils sont si doués pour opprimer le peuple et si ils sont si doués pour le mensonge, c'est sûrement parce qu'ils aiment vraiment beaucoup ça !
Ensuite, j'ai pensé que je devrais peut-être me demander si l'amour a quelque chose à voir avec la démocratie, ou la liberté, ou je ne sais pas, cette pluralité dont je parlais dans ma note précédente. Et pendant que je réfléchissais, j'ai réalisé que je regardais une grenade tout du long. Le fruit, hein. Pas la petite bombe.
La grenade est un symbole très ancien d'unité dans la pluralité. Il est si ancien et si profondément enraciné dans la culture et l'inconscient des Iraniens que presque aucun peintre, cinéaste, poète ou artisan, de quelque portion de l'histoire de l'Iran, n'a manqué de produire quelque chose avec des grenades.
Et tandis que ces grenades signifient presque toujours le fait que l'unité n'est pas contradictoire avec la pluralité, c'est aussi de toute évidence un fruit presque érotique, ou certains diraient même que c'est un fruit carrément érotique, et il trouve souvent sa place dans n'importe quelle histoire d'amour, des temps anciens ou modernes.
La belle femme, ou jeune fille aimée, se coupe souvent le doigt en ouvrant et en épluchant une grenade, au moment où elle pose les yeux sur le prince ou le jeune homme qu'elle aimera pour l'éternité.
La grenade est un important symbole persan. Ce sont des centaines de très beaux fruits minuscules, soigneusement emballés ensemble dans un gros fruit voluptueux. Cette idée se trouve dans le subconscient de presque tous les Iraniens, qu'ils le sachent ou non.
Le fait est que cette chose qui relie tout le monde, en substance, c'est l'Amour. Ce n'est pas de la cupidité ou de l'envie.
L'amour, a la capacité de provoquer la magie du pardon. C'est par amour que nous pardonnons et que nous faisons des compromis les uns avec les autres, et que restons ensemble.
C'est par amour que chacun de nous accepte de perdre un tout petit peu, de devenir un peu plus petit – en perdant un peu de chaque côté – pour ne faire qu'un, comme un tout.
Dans la grenade, si chaque graine voulait être complètement ronde, elle ne deviendrait pas un fruit entier. Ce seraient de juste de petits fruits minuscules les uns à côté des autres.
Mais alors, qu'en est-il de ceux qui "aiment" torturer, mentir, opprimer et tuer et tous ces trucs qui nous posent problème avec le régime que nous cherchons à renverser ?
Eh bien, la vérité... C'est qu'en tant qu'homme qui a eu des relations avec de telles personnes toute ma vie durant, et de presque toutes les manières possibles, allant d'être battu par elles, d'être abusé par elles, d'être insulté et humilié par elles et tout en étant questionné par elles, d'avoir des conversations, de devenir parfois l'objet de leur intérêt ou de leur admiration et à dire vrai, étant même parfois devenu leur collègue, leur voisin, leur professeur entre autres choses, et bien je trouve qu'ils ne sont pas très différents de vous et moi.
C'est toujours un peu surprenant quand vous rencontrez un "meurtrier" ou un "voleur" pour la première fois. Vous réalisez qu'ils ont des noms, des mères et des pères, tout comme vous.
L'amour de la haine, s'il y a une telle chose, c'est un peu comme si ces gens étaient opposés à cette idée générale: "la grenade" .
Souvent, les gens me demandent quoi faire, lorsqu'ils sont confrontés à de telles personnes, qui aiment et admirent encore la république islamique, en dépit de tout. * Je leur dis de demander à ces gens : « Que doit faire la république islamique, pour que vous cessiez de la soutenir ? "
Et étonnamment, ils disent presque toujours :" nous ne la soutiendrons plus, si elle cesse d'être démocratique ou si elle cesse d'être islamique".
Je suppose donc qu'ils nous tuent parce qu'ils pensent que nous empêchons cette démocratie ou cette religion d'être les meilleures possibles.
C'est étrange, mais admettons. Passons à la question suivante : "Que doit faire la république islamique, pour qu'on puisse affirmer qu'elle est en réalité contre la religion et contre la démocratie ?"
Examinons attentivement chaque terme. D'abord, comment pouvons-nous même savoir si quelqu'un croit réellement en Dieu ? C'est la première règle pour être musulman, n'est-ce pas ? Croire en Dieu.
Bien! Alors, comment savez-vous si oui ou non je crois en Dieu ? Est-ce juste parce que je l'ai dit ? Et si je mentais ? Comment puis-je savoir si vous êtes un vrai croyant ? Serait-ce juste parce que vous l'affirmez?
Ici, nous avons un gouvernement, qui a inclus dans sa propre constitution, que toute personne dépositaire d'une autorité, comme un ministre, ou un président, ou un maire ou un chef de la police, doit être un vrai croyant.
Comment pouvons-nous savoir s'ils croient vraiment en Dieu ? Sans parler de l'idée que, même s'ils croient en Dieu... Cela n'implique pas nécessairement qu'ils seraient prêts à suivre les conseils de Dieu dans l'exercice de leurs fonctions.
Est-il raisonnable de penser que c'est à Dieu qu'ils donnent la priorité (sur la vie des gens) , quand ils tuent des petites filles, ou frappent des vieilles femmes avec leurs matraques, afin de protéger leur système théocratique ?
Ou ne serait-ce pas plutôt qu'ils se donnent la priorité, à eux-mêmes, parce qu'ils pourraient perdre leur emploi, une fois que les critères de recrutement ne seront plus liés à la "piété" mais à la "compétence" et que les gens ne seront plus jugés sur leur foi mais sur leurs actions?
Techniquement, ce sont des gens qui ont appris à avoir l'air plus religieux, plutôt qu' à gérer des villes, ou des écoles. Et techniquement, ces gens SONT la république islamique.
Il n'y a absolument aucun moyen de voir le contenu de l'esprit de qui que ce soit. Ce simple fait révèle tout. La théocratie a échoué à cause de cela. La théocratie est devenue un petit nombre de personnes, qui prétendent avoir une meilleure connaissance que tout le monde, parce qu'elles connaissent Dieu mieux que tout le monde. Et elles ne peuvent pas le prouver, alors elles l'imposent à d'autres personnes, par n'importe quels moyens, à force de mensonge, de violence et de terreur.
Et avec ça, ils prétendent que c'est une démocratie. Soit! C'est une démocratie ! Mais, si c'est une démocratie, alors, nous le peuple, nous n'en voulons pas ! S'il s'agit d'une démocratie, oui, nous aimerions nous en débarrasser.
Mais maintenant, nous devons prouver que nous sommes réellement le peuple, n'est-ce pas ? Cela devient intéressant à ce stade. Qui c'est, "le peuple"? Le peuple, ce sont ceux qui se serrent les coudes, par amour. C'est ça, le peuple.
"Le peuple", ne serait-ce pas les étudiants de presque toutes les universités qui soit refusent d'aller à leurs cours, soit finissent dans les pires prisons?
Serait-ce plutôt les femmes et les hommes qui crient par leurs fenêtres chaque soir, souhaitant la mort du « dictateur » et de son régime ?
Le peuple, est ce que ce sont ceux qui ont eu le crâne ouvert par les matraques de la police ou des basij? Ou ces personnes ne sont-elles qu'une petite fraction de la population qui n'a même pas d'importance ?
Sont-elles "des mouches" comme les a appelées le président ?
Dans quelle démocratie, le représentant d'un peuple, qualifierait-il même une petite fraction de sa société de "mouches" ?
Dans quelle démocratie, un « guide suprême » séparerait-il les athlètes entre ceux qui ont de « l'honneur » et ceux qui n'en ont pas ?
Je veux dire, au nom de quelles raisons, vraiment, selon quelle norme, dans quelle démocratie, peut-on mesurer "l'honneur" d'une personne ?
Et même si nous parvenions à mesurer l'honneur des gens, pourrions-nous alors dire que ceux qui n'ont aucun honneur ne sont pas "le peuple"?
Dans quelle démocratie sépare-t-on le peuple du peuple ? Les blancs des noirs, les femmes des hommes, les croyants des incroyants, ou même ceux qui ont de l'honneur de ceux qui n'en ont pas ?
On peut rencontrer des confusions dans la vie, sur qui dit la vérité et ce qu'est la vérité.
On peut rencontrer un jour, dans sa vie, un membre de l'unité de renseignement IRCG, qui vous interroge et (je le dis par expérience, cela arrive vraiment, oui) quand il ne vous bat pas et ne vous insulte pas, il aime alors prouver sa droiture et la finesse de son esprit, en s'engageant dans des débats philosophiques ou théologiques avec le pauvre type qu'il a capturé.
La situation est claire pourtant. Vous ne pouvez pas avoir un débat avec un captif. La captivité change les choses.
Être ensemble, ce n'est pas la même chose qu'être forcé d'être ensemble. Et "être ensemble", ce n'est pas incompatible avec "être différents". Les gens restent ensemble, parce qu'ils s'aiment - et vous ne pouvez pas forcer les gens à vous aimer.
Même les génies les plus puissants de tous les vrais contes de fées, ceux qui transforment les citrouilles en voitures de luxe, et ceux qui font voler les tapis, admettent qu'ils n'ont pas de magie assez puissante pour forcer une simple jeune fille à tomber amoureuse.
Dans ces salles d'interrogatoire et ces cellules d'isolement, la vérité est toujours présente, belle comme une fée magique, sur l'épaule de chaque prisonnier : vous ne pouvez pas forcer les gens à dire la vérité.
La vérité ne peut être dite qu'en toute liberté. N'importe qui ne vous dira sa vérité, ou ne vous montrera sa vraie personnalité, que s'il le veut - et seulement s'il vous aime.
Vous ne pouvez pas forcer les gens à vous aimer. Ils peuvent dire qu'ils vous aiment, mais c'est comme la foi en Dieu. Ils mentent peut-être. Vous ne pouvez pas être dans la tête des gens. Vous ne pouvez pas forcer les gens à dire la vérité.
Ce que vous pouvez faire, en revanche, c'est créer un monde suffisamment sûr pour que chacun puisse dire ce qu'il veut dire et dire sa propre vérité, sans avoir à vous craindre.
Cela vous parle-t-il ? Voyez-vous à quel point la vérité, l'amour, la liberté et la beauté sont liés ? Le monde ne serait-il pas un endroit merveilleux, si nous le permettions ?
Je crois que ma rêverie m'a porté trop loin. C'est ce qui arrive, j'imagine, quand on laisse un iranien seul avec une grenade, quand au petit matin, l'air a perdu le parfum du gaz lacrymogène.
Nos vies comptent, soyez notre voix.

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