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Photo du rédacteurSirine Alkonost

Voix d'Iran : Dépravés, femmes libres et citoyens d'honneur




Avez vous entendu ce slogan, crié dans les rues et les cités universitaires : « c'est toi le dépravé ! Moi, je suis une femme libre » ? Fait amusant : même les hommes crient ces mots. Oui, nous sortons dans la rue avec nos sourcils broussailleux et nos barbes de trois jours et nous crions avec fierté, de nos grosses voix bien viriles « je suis une femme libre ».

La révolution se nourrit de deux choses: l'espoir, et le courage. Et l'espoir et le courage sont exactement ce qui est actuellement attaqué.

Ils veulent nous faire croire qu'il n'y a pas d'espoir, pour, littéralement, nous "décourager".

Mais nous ne nous décourageons pas. Parce que nous ne nous contentons pas d'espérer que les choses se produisent, nous agissons, et aussi nous ne sommes clairement pas ce qu'ils pensent que nous sommes. Ou ce qu'ils disent que nous sommes.

Un journal appartenant à l'État a expliqué à ses lecteurs que "les pulsions, la cupidité et l'excitation" sont les principales motivations de notre mouvement. Ce qui signifie que nous sommes soit des excités, soit payés par des puissances ennemies.

Voilà, l'essence même du journalisme Mesdames et Messieurs ! Votre humble blogueuse ici, est sans doute elle aussi une mercenaire avec le feu aux fesses. (ou ces jeunes filles, avec tous ces cheveux partout !)

Mais comment se fait-il que nous soyons si fétichistes de ce que nous désirons vraiment ? Notre espoir, donc- eh bien, techniquement, c'est sans doute parce qu'il n'y a pour nous aucun espoir, ailleurs que sur les terrains sur lesquels nous protestons et nous battons.

Ce point là est simple ; aucun espoir, ailleurs. Essayez de vous en souvenir. Cela vous sera utile pour comprendre le reste.

Quant au courage, eh bien, contrairement aux idées reçues, je crois que c'est la peur qui fait naître le courage: si nous agissons, c'est simplement parce que nous avons trop peur de ce qui pourrait nous arriver, si nous n’agissions pas. Notre courage, c'est la même chose que notre peur.

Au cours des premiers jours après la mort de Mahsa, lorsque l'État iranien n'arrêtait pas d'insister sur le fait que « Mahsa avait eu une crise cardiaque » et ne voulait pas accepter qu'elle avait été « battue » (ils s'en tiennent toujours à ce discours, d'ailleurs), un type en turban, plutôt proche du régime, s'est exprimé sur Instagram. Il disait à ses propres partisans et amis, en se frappant presque le visage : « Arrêtez donc de dire qu'elle a eu une crise cardiaque ! Vous feriez mieux de prier Dieu qu'on découvre qu'elle a été frappée !

Parce que si elle a vraiment eu une crise cardiaque, juste parce que vous l'avez arrêtée, alors vous êtes condamnés ! ».

Et il avait raison. Si ce sont des gens si terrifiants, qu'une jeune fille pourrait avoir une crise cardiaque juste parce qu'ils l'ont arrêtée, alors ils sont condamnés (je sais, je me répète !), ils sont condamnés, simplement parce qu'ils sont trop effrayants pour rester au pouvoir !

Et en fait, le commandant de l'armée vient même de nous dire, à la télévision, que s'ils ne nous écrasent pas comme les mouches que nous sommes, c'est simplement parce que "ce n'était pas la volonté du guide suprême."

Ah ok ! On ne s'en était pas rendu compte ! Ils sont trop gentils ! Bon à savoir! (Je sais, j'utilise trop d'exclamations).

Alors, voyez-vous où je veux en venir? Ils continuent d'essayer d'avoir l'air aussi effrayants que possible. Et c'est exactement pourquoi nous avons du courage.

Alors, et s'ils n'étaient pas si effrayants ?

Eh bien, alors nous n'aurions pas peur d'eux, n'est-ce pas? Tu vois ce que je veux dire? Nous n'avons pas le choix.

Il serait préférable pour nous de rester à la maison et de regarder Netflix. Mais... Netflix ne veut pas se laisser regarder, car nous sommes « sanctionnés ». Vous vous souvenez de ce détail? Nous sommes sous sanctions.

Nous, le peuple iranien, n'avons jamais eu de "carte de crédit" ou de "PayPal", et nous n'avons jamais eu Amazon. Légalement, s'entend.

Mais je suppose que maintenant vous avez compris que faire quelque chose "illégalement" avec son ordinateur ou son téléphone en Iran n'expose pas exactement aux mêmes conséquences que cela en a pour vous de télécharger le dernier X-men ou d'utiliser un VPN pour pouvoir voir le dernier épisode d'Adventure Time avant qu'il soit disponible en France.

Et pourtant, chaque appareil électronique en Iran (sauf mon ordinateur portable, bien sûr, car sinon écrire des messages à l'auteure de ce blog serait bien trop dangereux) contient des logiciels illégaux. Le saviez-vous ? Chacun. Sérieusement. Tous.

Donc non! Nous ne sommes pas motivés par l'appât du gain, et nous n'allons pas protester, les mains nues, contre des milices armées et entraînées par "excitation" - Une excitation qui sous-entend aussi que nous serions des dépravés, sur le plan culturel et même sexuel.
Mais peut-être devons-nous quand même préciser que nous préférerions, c'est vrai, avoir légalement (c'est à dire sans nous mettre en danger) accès à toutes ces choses qui nous sont interdites.

Alors, peut-être sommes-nous un peu excités, oui, sur un plan sociétal, parce que cet espoir est un peu notre fétiche, mais même ainsi, nous ne sommes en aucun cas des dépravés !

Avez vous entendu ce slogan, crié dans les rues et les cités universitaires : "c'est toi le dépravé ! Moi, je suis une femme libre !"?

Fait amusant : même les hommes crient ces mots. Oui, nous sortons dans la rue avec nos sourcils broussailleux et nos barbes de trois jours et nous crions avec fierté, de nos grosses voix bien viriles "je suis une femme libre".

Nous en sommes réellement arrivés à un point où il n'y a explicitement pas de plus grand courage, en Iran, que d'aspirer à être "une femme libre" .


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Sur un autre sujet, je voudrais rappeler à nos chers lecteurs, que nous pleurons aujourd'hui Khodanoor, avec une tristesse infinie.
(note de la traductrice : l'auteur parle ici de Khodanoor Lajaei, une des victimes du premier "vendredi sanglant" au Baloutchestan, dont la cérémonie du 40eme jour de deuil vient d'avoir lieu).

Devant l'émotion suscitée par sa mort, l'État iranien a cru bon de revenir sur le sujet pour préciser qu'il était afghan. Ils veulent dire par là qu'il n'était pas iranien, et d'une certaine manière, ils espèrent insinuer qu'il était un être inférieur, un citoyen de seconde zone.

Ils espèrent que le public iranien identifiera Khodanoor au peuple afghan et à une société inférieure, et ne ressentira pas d'empathie pour lui.

Alors déjà, deux choses : premièrement, Khodanoor, c'était un être humain. C'était un homme. C'était une personne.

Deuxièmement, Khodanoor, et tous nos frères et sœurs afghans, ce sont tous des Iraniens en ce qui me concerne.

Si le régime fasciste veut nous séparer par des frontières politiques, et bien par le pouvoir qui m'est conféré, en tant qu'être humain et citoyen iranien officiel, je déclare tous les afghans iraniens, et même chaque citoyen du monde, citoyen Iranien honoraire ! Là! Je l'ai dit!

Maintenant, vous êtes tous des Iraniens honoraires, parce que je l'ai dit.

Khodanoor est un énième exemple de la raison pour laquelle nous devons nous rappeler que nous sommes tous membres d'une grande famille.

Et en tant que membres de cette grande famille, nous devons nous défendre les uns les autres contre ceux qui nous veulent du mal.

Ces coquilles vides d'êtres humains sans âme, ont mis un verre d'eau devant Khodanoor, quand il a dit "j'ai soif", ils l'ont mis juste à la bonne distance pour qu'il puisse bien la voir, mais qu'il ne puisse pas l'atteindre. Ils ont commis un crime envers leur propre humanité. Envers l'humanité de chacun d'entre nous. Envers la vôtre.




Regardez bien cette photo, avec le verre d'eau devant l'homme entravé. Cette eau, c'est notre liberté. Cette eau, c'est notre avenir.
Peuples du monde, soyez Iraniens avec nous, solidaires de Khodanoor et de sa famille.
Ensemble, nous ferons pleuvoir assez d'eau pour notre soif.
Nos vies comptent, Soyez notre Voix.








(note de la traductrice: à cause de la difficulté d'accès à l'information et des limites du "journalisme citoyen", on trouve beaucoup d'erreurs dans les ressources en anglais ou en français concernant l'histoire de Khodanoor. Notamment que la fameuse photo avec le verre d'eau est récente, et qu'il aurait été laissé ainsi jusqu'à sa mort. Ce n'est pas le cas.

C'est bien Khodanoor sur la photo, mais il a subi ces tortures suite à des soucis avec la milice Basij bien antérieurs à la révolution en cours. Il avait alors "seulement" été battu et humilié, avant d'être envoyé en prison, et c'est à ce moment là que la photo de son supplice en place publique avait été diffusée pour la première fois. Il a en revanche été abattu lors de la violente répression des protestations au Balouchestan, et est mort le 4 octobre à l'hôpital après avoir semble-t-il subi un déni de soin, potentiellement lié à son ethnicité.)



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