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Photo du rédacteurSirine Alkonost

Voix d'Iran : fêter Yalda à Pyongyang ?


Au moment où l'occident entre dans un tunnel de festivités, découvrez Yalda, la fête du solstice, avec un message d'Iran qui évoque ses origines et le sens particulier qu'elle revêt cette année.


Ceux d'entre vous qui suivent l'actualité d'Iran ont sans doute vu passer des messages se référant à la fête de Yalda.

Des événements culturels, festifs, et des manifestations sont organisés.

Vous voyez tout à coup des images de pépins de grenades, des flammes de bougies et des poèmes là où hier il y avait des footballers, des parlementaires et des drapeaux... C'est normal.

Yalda est une fête très suivie en Iran, avec diverses traditions locales et familiales.

Quelques constantes tout de même : on mange des fruits de couleur rouge (surtout des grenades et des pastèques) et on lit des poèmes.


(les deux dessins qui accompagnent cette introduction sont tirés de la page facebook du dessinateur Reza Riàhi, avec son accord)

Plus précisément, on "lit l'avenir" dans l'œuvre de Hafez.

Cette tradition s'appelle "Fal'e Hafez", et il n'y a pas besoin de talent divinatoire. Il suffit de posséder le livre de poèmes.


Vous pensez très fort à votre question /souci/vœu, et la personne qui tient le livre l'œuvre au hasard et lit le poème à voix haute.

La poésie de Hafez est suffisamment ésotérique, riche et symbolique pour que votre réponse s'y trouve, d'une façon ou d'une autre.

Ou alors c'est vraiment magique.

Un petit métier de rue qui existait encore il y a quelques années (j'ignore si il a survécu au Covid, cela fait une éternité que je n'ai pas mis les pieds au bazar ou dans les quartiers où on les rencontrait), c'était des types avec une cage à oiseaux parfois fixée sur un vélo, et les oiseaux étaient dressés pour choisir pour vous une enveloppe dans une boîte, avec votre propre "prédiction", sous la forme d'un extrait de poème de Hafez.

Ou bien si vous mangez au restaurant, parfois un de ces gars s'approchera de vous (sans oiseau cette fois) et vous proposera une enveloppe. Ça change des roses.

Voilà. J'avais prévu de vous faire un article plus complet sur l'histoire et les traditions de Yalda, pour la rubrique "fenêtre sur l'Iran", mais entre-temps j'ai reçu un message d'Iran, qui en parle aussi.

Alors comme on dit à la télé : priorité au direct

Shab - e Yalda à Téhéran, et bientôt à Pyongyang.

En ce jour de solstice, que nous appelons en Iran,"Yalda", la pollution meurtrière dans plusieurs villes d'Iran a pratiquement paralysé la vie sous toutes ses formes.

À Téhéran en tous cas, tout le monde voit ses activités globalement suspendues- même les activités qui consistent à opprimer les gens et à être opprimés, semblent être au ralenti.
Sauf bien sûr les gens du cinéma, les réalisateurs, les acteurs etc. Eux se mobilisent et se rassemblent autour de la prison d'Evin ou dans le cyberespace pour tenter de faire libérer leurs collègues.
Reza Riahi

Et bien sûr rien ne peut suspendre le calvaire sans fin de ceux qui ont perdu des êtres chers.

Il convient peut-être de mentionner que Mani Haghighi, réalisateur, a fait une autre déclaration vidéo courageuse et s'est adressé au ministre de l'orientation et de la culture islamiques. Je n'ai pas réussi à en trouver une version avec des sous-titres. Il y dit notamment que ça va devenir compliqué de faire représenter l'Iran dans le monde, si le régime met tous les artistes talentueux en prison.

Il a raison.

Mais en ce moment, la pollution nous ronge tous vivants, alors peu importe ce que nous pensons que la liberté signifie.

Je suppose que je pourrais profiter de cette occasion pour écrire quelques mots sur Yalda.
Yalda, est un mot arabe, qui signifie techniquement "anniversaire de naissance". Le nom persan le plus original est "Shabe Chelleh" ou "nuit du 40".

Cela a quelque chose à voir avec la façon dont chaque saison a été divisée en deux parties de 40 jours, qui bien sûr ne sont pas exactement quarante jours, du coup l'une d'entre elles est la plus grande si vous voulez, et l'autre est la plus petite "chelleh".

En d'autres termes, par exemple, l'hiver a un grand « 40 » et un petit « 40 ». Et il y a une nuit où l'une de ces portions se termine et l'autre commence eh bien, voilà c'est ce soir, cette nuit.

Pour nous Iraniens, qui ne connaissons pas grand-chose à l'astrologie, Yalda est tout simplement la nuit la plus longue de l'année.

L'aspect magique de Yalda, c'est que si tout signe de vie a disparu, et si l'obscurité est à son point le plus fort, alors on sait que demain, la nuit sera plus courte, et la nuit d'après plus courte encore, et avant qu'on s'en rende compte, on aura atteint notre jour préféré, qui est l'équinoxe de printemps, où le jour et la nuit sont exactement égaux, et où tout semble aller tellement mieux.

Ce jour là s'appelle Nowrouz, qui signifie "Nouveau Jour", et qui est notre nouvel an à nous. Je vous en reparlerai en mars, si je suis toujours là pour le faire, et que vous êtes toujours là pour me lire.

Mais revenons à Yalda. Il semble que les anciens Iraniens, ou devrais-je dire les Perses, avaient tendance à rendre visite à un être spécial, qui semblait être le seul être capable de rester en vie, même au plus profond de l'hiver. Cet être, c'était un arbre, qui restait vert, même s'il avait une tonne de neige sur la tête.

Cela vous semble familier ? Nuit de fête, sapins, neige, anniversaire de naissance ? Ça vous parle ?

Je sais, je m'exprime parfois comme un professeur. Pardon ! Mais cela peut être une bonne idée d'appeler vos Iraniens préférés aujourd'hui ou d'envoyer un message. Ils l'apprécieront, et peut-être même que vous serez invité à une belle fête. Je sais que moi, je vous inviterais, si vous appeliez.

Sinon, vous pouvez juste avoir une pensée pour cette jeune fille qui s'appelait Yalda, et qui est morte le mois dernier quelques jours après sa sortie de prison (après une arrestation arbitraire et plus de dix jours de détention). Je sais que nous serons nombreux à penser à elle, cette nuit, et à tous nos martyrs de la vie et de la joie.

Dans notre subconscient mythique, la nuit de Yalda est le sommet du pouvoir du côté obscur. L'Ahriman, l'Angramaynoo, ou le Diable, qui est, en fait, le dieu qui est mauvais.

Vous souvenez-vous de cette note que j'ai écrite au sujet du mois de Dey ? Ah oui, j'ai oublié de le mentionner, Yalda est la veille du premier jour de ce mois, Dey. Le mois de Dieu.
À partir de ce moment, "Dieu"prend le relais et les choses vont commencer à s'améliorer. Ou bien, elles s'amélioreraient, s'il y avait vraiment de la neige. Il ne neige plus tant que ça depuis quelques années.

Quand j'étais enfant, nous avions tellement de neige ici à Téhéran que nous devions parfois creuser des tunnels pour nous déplacer. Maintenant, les enfants ne nous croient pas quand on leur raconte. ils pensent que nous sommes des menteurs. Ils pensent que cela ne peut pas être vrai. Et même si on leur montre des photos, ils ne reconnaissent rien. Tous les souvenirs du passé ont été effacés.

C'est comme si mon enfance n'avait jamais existé. C'est comme si je n'avais jamais été un enfant, et que tout cela n'était qu'un rêve.

Et voilà qu'un jour comme aujourd'hui, ou hier, je découvre que les universités iraniennes prévoient un programme d'échange d'étudiants et d'enseignants avec la Corée du Nord.

Je ne sais pas de qui je dois avoir le plus pitié.

Je ne sais pas si les Nord-Coréens écriront à la maison pour dire « Dieu merci, nous ne sommes pas comme ces Iraniens » ou si les Iraniens écriront à leurs parents : « S'il vous plaît, sortez-moi d'ici ».

Et de tous les peuples, comment diable la République islamique est-elle devenue l'alliée de la Corée du Nord, l'État le moins « religieux » du monde ?

Personnellement, si je cherchais des croyants, je les chercherais au Texas, en Indiana, en Idaho, en Californie ou même à Calgary. Selon ma propre expérience, vous pourriez trouver des gens qui croient en Dieu dans ces endroits. Et toujours d'après mon expérience, même s'ils sont un peu limités en termes d'humour, certaines des personnes les plus sympathiques du monde vivent dans ces endroits.

Et croyez bien que les responsables iraniens savent eux aussi ces choses-là. La plupart d'entre eux ont déjà envoyé leurs enfants précisément dans ces endroits. Pas en Corée du Nord.

Leurs enfants nous narguent depuis le continent américain, dans des stories filmées en mode selfie sur leur iPhone-pro-14.

La terre est belle et bien ronde et elle continue de tourner autour du soleil, voyez-vous. Elle l'a toujours fait, même si pendant des milliers d'années, les gens ont prétendu que non.
C'est comme ça. Le soleil finit toujours par se lever.

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