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Photo du rédacteurSirine Alkonost

Voix d'Iran : la danse macabre des gardiens de la révolution



Ce texte a été très difficile à traduire, parce qu'il parle des morts douloureuses et injustes dont la République Islamique émaille sa lutte pour briser le peuple iranien dans son élan vers la liberté, et parce que son auteur ne cessait pas de digresser, sur mille sujets toujours plus révoltants. J'espère l'avoir rendu assez digeste pour retenir votre attention, en ce dimanche pluvieux.


Il est très difficile de continuer à vivre selon des valeurs démocratiques ou éthiques pendant une révolution. Il est difficile de continuer à défendre l'idée que les gens ont le droit de penser ce qu'ils veulent. Il y a des gens qui veulent que Toumaj Salehi soit pendu juste parce qu'il a chanté quelques chansons, par exemple. Ont-ils le droit à cette opinion ? Les personnes qui choisissent de danser dans le sang de leurs victimes, pour faire la fête, ont-elles droit à leur opinion ? Les journalistes qui veulent respecter leur voeu d'impartialité, les médecins qui veulent pouvoir traiter n'importe qui, sans tenir compte de qui il est ou de ce qu'il a fait... de telles personnes ont souvent des ennuis dans des moments comme celui-ci. Nous le ressentons à chaque instant de notre vie ici, plus que quiconque: tout ce que nous faisons, presque le moindre de nos gestes, est soit pour soit contre la révolution. C'est comme ça. Ce n'est pas un débat théorique. C'est la vraie vie. Les iraniens se sont montrés patients jusqu'à présent. Les iraniens ont provoqué l'admiration du monde entier en ne prenant pas les armes, malgré la répression sanglante, et en persistant à protester le plus souvent "les mains vides". Mais combien d'insultes et combien de victimes pourrons-nous encore tolérer ? Le régime traduit actuellement Toumaj Salehi en "justice" (le terme semble abusif, sachant qu'il n'a même pas pu se choisir un avocat), pour des accusations passibles d'exécution. En gros, ici en république islamique, il est possible de prendre, tout simplement en chantant, le chemin de la potence. Quelle place cela laisse-t-il à l'impartialité, ou à la liberté d'expression ou d'opinion ? Il existe différentes options, pour qui veut chanter en Iran ces jours-ci (arrestation et passage à tabac en option) : Chanter l'hymne national. Chanter l'un des hymnes révolutionnaire. Chanter en tant que femme. Chanter une chanson kurde, par un froid matin de novembre, sans savoir que ce sera votre oraison funèbre sur les réseaux sociaux après votre mort. Oui, il y a vraiment toutes sortes de chants. Et puis il y a de la danse aussi. Mahsa Jina Amini danse, sur les petites vidéos que sa mère distille sur instagram au compte gouttes, comme autant de messages codés. Nous avons tous vu Khodanour danser, et Kian, et Sarina, et Javad, et tant d'autres. Et depuis la victoire de l'équipe de la République Islamique, chez ses cousins qataris, et bien les gens qui les ont tués, ils dansent aussi. Alors ça doit vouloir dire que c'est permis de danser, non ? Si les robocops de la République Islamique ont le droit de danser, alors pourquoi pas nous ? Hossein Ronaghi, qui vient d'être libéré sous caution, ils lui ont cassé les deux jambes, en prison . Et maintenant, il ne peut plus danser, peu importe combien de fois le régime nous répètera que nous pouvons célébrer maintenant, et emboîter le pas à leurs obscènes marionnettes en uniformes qui ont retiré leurs matraques ensanglantées de la boîte cranienne de nos enfants le temps d'agiter un petit drapeau en cadence, en dansant dans la rue pour célébrer un match remporté au Qatar. Hossein, lui, ne dansera pas. Je me demande si le gouvernement ira jusqu'à lui demander de sourire, et peut-être d'agiter un peu ses bras depuis son lit d'hôpital. C'est pas la mer à boire quand même Hossein... Un petit sourire "pour le peuple" quoi ! Et le guide suprême, il a parlé lui aussi. Il s'est référé à certains des derniers mots prononcés par le Shah, avant qu'il ne quitte l'Iran pour de bon. Le Shah avait dit "J'ai entendu le son de votre révolution". De toute évidence, il avait une très mauvaise ouïe. Sinon, il aurait entendu le bruit de la révolution des mois plus tôt. Maintenant, Ali Khamenei, le chef suprême, non seulement il entend le son de notre révolution, mais il se plaint : «Et puis d'abord, pourquoi devrions-nous vous entendre ? C'est vous qui devriez nous écouter !" Ah ! D'accord! Donc, ce n'est qu'une question de goût et de timing ! Ils n'aiment tout simplement pas nos chansons ! À quel point cela peut-il devenir grave, lorsque deux personnes ont des goûts musicaux différents ? Quand c'est le gouvernement qui le dit, c'est ok de danser ! Mais le problème est clair maintenant : Le problème c'est qu'on ne les entend pas, ces pauvres cloches ! Pauvres débiles . Ils ne parviennent pas à se faire entendre de leur propre nation, même en ayant le monopole de la radio et de la télévision, avec un budget annuel équivalent au PIB d'un pays de taille moyenne. Mais je ne plaisante pas, c'est bien vrai. Nous n'entendons rien et nous ne comprenons rien, à part un seul mot : « Liberté ». Vous ne pouvez pas nous donner des ordres et nous faire danser quand vous le voulez, ou nous faire chanter quand vous le décidez (souvenez-vous de la mort d'Asra, nous, ne l' oublions pas), et vous ne pouvez pas nous faire pleurer, seulement quand vous avez besoin de nos larmes. Nous chanterons et danserons et nous aimerons nos propres stars et nos propres héros, peu importe combien d'argent vous injecterez dans votre machine de propagande stérile. Mais pour l'instant, ce qui compte le plus, même si en parler sera, nécessairement répétitif, ce sont les exécutions: Le gouvernement a littéralement décidé de pendre des jeunes qui n'ont absolument rien fait de mal. Ce ne sont pas des concepts. Ce sont des gens qui ont des mères et des pères, parfois une fiancée ou un enfant. Des gens comme Toumaj. Leurs vies comptent! Cela n'a pas de sens de vouloir être "impartial"à propos de quelque chose comme ça. Toumaj est une personne. Il n'est pas une sorte d'idée avec laquelle on pourrait être d'accord ou non. S'ils le tuent, nous ne pourrons pas simplement le ramener plus tard comme dans un jeu vidéo. Il est de notre responsabilité d'essayer de le sauver. Toumaj doit rester en vie. Ils ont déjà tué plus de 400 personnes, juste pour rester au pouvoir Ils ont tué 60 enfants. Soixante. À ce stade il n'y a pas de sens à "entendre les deux côtés de l'histoire", avec ces gens là. Il n'est plus temps. Ce régime ordonne à ses forces armées de célébrer les victoires de l'équipe nationale dans les rues mêmes où elles poursuivent le peuple avec leurs fusils et leurs matraque. Ces rues même où ils tirent dans le visage de nos jeunes, et les rendent aveugles. Aveugles, c'est à dire, aussi dans l'incapacité de regarder la coupe du monde à la télévision, et de danser quand la Team Melli marque. Ce gens, ils dansent dans le sang de nos enfants Il n'est plus temps de garder la tête froide et de "ne pas laisser gagner par le sentimentalisme" . Un régime qui creuse aussi profondément sa propre tombe mérite d'y être poussé. Alors faites le plus de bruit possible à propos des exécutions. Aidez nous à sauver autant de vies que nous le pourrons. Ne détournez pas le regard quand de simples citoyens ou des journalistes tout aussi courageux risquent leur vie pour vous montrer la réalité de ces crimes d'état devenus quotidiens. Quel que soit votre bord politique, votre avis sur les raisons su soulèvement populaire iranien, ou votre position à propos de l'application de la peine capitale dans le monde, je dois vous le dire. Ces personnes que la République Islamique s'apprête à exécuter, ne sont pas des criminels. Ils sont musiciens, ouvriers, enseignants, des citoyens comme vous et moi, qui vont aujourd'hui mourir, pour avoir été manifester

Leurs vies comptent... Soyons leurs voix.


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