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Photo du rédacteurSirine Alkonost

Voix d'Iran - la vérité sur le hijab obligatoire


"j'entends dire que vous parlez en notre nom, et reprenez notre combat pour servir vos causes en apparence opposées, alors je me sens autorisée à vous donner mon grain de sel finalement, même depuis ma société bien moins avancée politiquement"

Depuis que Mediapart m'a offert cet espace pour faire entendre en ligne, et dans le "monde libre" la voix des Iraniens d'Iran avec lesquels je parviens tant bien que mal à rester en contact pendant cette période exceptionnelle de notre histoire, j'ai été amenée à répondre, en commentaire de mes propres billets comme d'autres contributions lues sur le site ou sur le club, à de nombreux messages qui me semblaient relever de la récupération politique.
Des personnes s'affrontant sur la question du port du voile islamique dans les espaces publics en France me semblaient vouloir instrumentaliser le combat des femmes iraniennes, et du peuple qui se soulève tout entier, au service de leur propre argumentaire.
Concrètement, les uns clament "les femmes iraniennes sont avec nous, car elles s'opposent au voile islamique qui est un symbole d'oppression" et les autres "les femmes iraniennes sont avec nous, car elles ne veulent pas laisser le gouvernement décider à leur place de ce qu'elles mettent ou non sur leur tête".
Ma réponse était toujours plus ou moins la même, à savoir, que selon moi, les femmes iraniennes se battaient surtout pour le droit de vivre dans un pays où elles pourraient participer à un tel débat sans risquer au mieux des brimades, et au pire la prison, la torture ou la mort (et parfois les trois).
Et puis je me suis dit, qu'après tout, vu que depuis le début, je mets un point d'honneur a m'effacer au profit des voix muselées des Iraniens d'Iran, je devrais peut-être faire la même chose sur ce sujet aussi. Au lieu de nous approprier la cause des femmes iraniennes, demandons-leur ce qu'elles en pensent. Comme le disait un manifestant, dans un de mes précédents billets : "trouvez des Iraniens dignes de confiance, communiquez avec eux."
Alors je commence, et vous livre aujourd'hui la réponse d'une Iranienne de Téhéran. Une de celles que vous voyez crier dans les vidéos floutées qui nous arrivent au compte goutte. Une de celles qui risquent leur vie pour l'avenir de leur pays et de leur peuple.
La vérité sur le hijab obligatoire (par une manifestante en Iran)
"Tout d'abord, je pense que tout le monde chez vous doit dejà le savoir, mais le hijab n'est pas du tout une tradition islamique au départ. C'est une idée qui existe depuis avant l'époque de Moïse je pense. En tous cas les juifs avaient leur propre version, ainsi que les chrétiens et les zoroastriens, et plus ou moins tous les autres, selon les époques. L'idée que le hijab est une chose musulmane, est une idée politique. Même ici on sait que cela n'a rien à voir avec Dieu.
Les paroles de Dieu, pour tous les croyants du monde, ont été rendues claires dans ses propres livres. Et pour autant que je sache, il n'est pas réputé avoir jamais écrit sur la police devant sillonner les rues, dans des fourgonnettes Toyota ou des berlines Mercedes, pour vérifier si les femmes sont correctement voilées.
D'un autre côté, ni Dieu, ni les athées qui ont écrit des livres au sujet des livres de Dieu, n'ont jamais préconisé que qui que ce soit doive se tenir à l'entrée d'un bâtiment pour s'opposer à l'entrée des femmes voilées.
Et comme vous pouvez déjà le voir d'après la façon dont les gens interprètent le hijab à travers le monde, c'est plutôt comme un très large spectre, allant de l'ornement quasiment symbolique, jusqu'à la savante superposition de couches d'isolants en polyester et en coton, avec en plus des gants et des lunettes, et je dirais même que si c'était possible, certaines n'hésiteraient pas à carrément porter un char militaire en guise de hijab.
Cela signifie-t-il qu'elles devraient y être autorisées ? – je veux dire, à supposer qu'elles aient accès à des chars militaires, bien sûr. Est ce que le gouvernement devrait les laisser faire ? C'est bien une question politique, ça, n'est-ce pas?
Et bien, une telle question politique, c'est une question pour une société politiquement avancée, qui a réussi à résoudre de nombreuses autres questions avant d'en arriver à celle-là.
La République Islamique n'a jamais permis à ce développement politique d'avoir lieu. Le développement politique a besoin de « liberté d'expression » au moins dans une certaine mesure. Sinon, quel développement serait-ce, si personne ne pouvait le développer à voix haute?
Quoi qu'il en soit, mon propos est que le discours que vous avez aujourd'hui, en France, sur le hijab, est un discours avancé, pour une société politiquement avancée.
Vous ne devriez pas comparer vos problèmes avec les nôtres. Ici en Iran, les gens se battent pour la liberté d'expression, qu'ils en soient conscients ou non. À quoi bon avoir quoi que ce soit dans la vie, si nous ne pouvons même pas dire ce que nous pensons ?
Ceci posé, j'entends dire que vous parlez en notre nom, et reprenez notre combat pour servir vos causes en apparence opposées, alors je me sens autorisée à vous donner mon grain de sel finalement, même depuis ma société bien moins avancée politiquement.
Mon opinion n'engage que moi, cela va sans dire, et même si c'est une opinion très répandue parmi nous, vous trouverez sûrement des femmes qui ne pensent pas comme moi, y compris juste là, dans les mêmes rassemblements, prêtes à risquer le pire à mes côtés et pour le même combat.
Bref. S'agissant de savoir si une femme en France devrait être autorisée ou non à porter tout ce qu'elle veut, même s'il s'agit d'une tente complète qui la couvre entièrement, au point qu'elle ne puisse pas être différenciée d'un objet inanimé, je pense, à titre personnel, qu'au bout du compte, oui, elle devrait être autorisée à le faire.
Si une femme peut se promener presque nue, ou portant n'importe quel type de vêtement, perruque, maquillage ou faux cils, alors pourquoi pas une tente ?
Et si vous pensez qu'une tente, autrement connue sous le nom de "chador" (qui signifie en effet "tente" en Iran) , est en fait un symbole religieux, je dois vous dire que non, ce n'est pas le cas.
Ce n'est pas un symbole, comme la croix du Christ ou l'étoile de David. L'équivalent d'une croix ou d'une étoile en Islam est un croissant, ou un croissant et une étoile ensemble, ou une main de Fatima. Ou le mot "Allah" écrit dans n'importe quel alphabet.
Mais un foulard est un foulard. Marilyn Monroe en portait beaucoup. La reine Elisabeth en portait beaucoup aussi. Elle était à la tête de sa propre église. Personne ne lui a jamais demandé de ne pas porter de symbole islamique, n'est-ce pas ?
Ceux qui font du voile un symbole religieux, sont précisément ceux qui en font aussi un outil d'oppression. Vous ne voulez pas être comme ces gens. Vous voulez être du côté de la vérité et du côté de la liberté d'expression, n'est ce pas ?
Dans foulard obligatoire, ce n'est pas le mot foulard qui importe, c'est l'autre. Un foulard obligatoire est un instrument d'oppression du peuple, quand c'est le gouvernement qui l'impose (oui, du peuple. Pas juste des femmes. Parce que même si tu es un homme, tu es victime d'un gouvernement qui t'impose de voiler ta fille, ou qui peut te mettre en prison si tu es dans la même pièce qu'une amie non voilée).
Un foulard obligatoire est un instrument d'oppression dans la sphère privée également, quand c'est une personne qui a de l'autorité ou du pouvoir sur toi qui te l'impose. Cela arrive sûrement à certaines femmes dans votre pays aussi (nous sommes lucides, cela arrivera aussi sûrement dans le nôtre, même après que nous aurons renversé ce régime) et elles aussi, doivent être libérées. Il serait cependant naïf de croire que c'est simplement du hijab qu'elles doivent être délivrées.
Ne vous trompez pas de combat, libérer les femmes de l'oppression est toujours une noble cause, mais confondre le foulard (qui est un article d'habillement) avec le foulard obligatoire (qui est une forme de violence, qu'elle soit domestique ou d'état) est une erreur dangereuse.
Cela me fait penser à ce dessin de presse, pendant la vague #metoo, c'était un truc du genre "le viol, c'est de la violence, pas du sexe. Quand tu te prends un coup de pelle, t'appelles pas ça du jardinage".
Je pense que la distinction est assez simple honnêtement, et c'est pourquoi je soupçonne que les gens qui veulent avoir de longues disputes sur de telles questions essaient de perdre du temps. Et s'ils sont prêts à perdre leurs temps, c'est parce que ça leur va bien, le statu quo. Ils ne veulent pas que les choses changent de sitôt. Ils veulent, littéralement, que les choses restent comme elles sont, en tous cas, pour eux.
Par conséquent, ne faites pas attention à ces personnes et ne vous engagez pas dans des disputes qui vous font perdre du temps. Allez juste de l'avant. Il ne sert à rien de discuter de ce qui est et n'est pas un symbole de toute façons. Ces choses se résoudront une fois que vous aurez les bonnes bases. Ne reconnaissez pas une bande de terroristes comme les représentants de quelque religion que ce soit. C'est fondamental. Et reconnaissez l'oppression, là où elle se manifeste.
Luttez contre l'oppression, foulard ou pas foulard. C'est facile. Là où l'on force quelqu'un à faire quelque chose contre son gré, en usant de son pouvoir, quel qu'en soit la source, il y a oppression.
Là où le fort retire au faible la liberté de s'exprimer, il y a oppression. J'insiste: luttez plutôt contre l'oppression.
Personne ne peut dire ce qu'il y a dans ma tête. Est-ce que je ne crois pas en Dieu mais te le cache ? Est-ce que je crois que Dieu existe et choisis de prétendre le contraire ? Tu ne le sauras jamais.
Nous risquons aujourd'hui nos vies en manifestant contre le hijab obligatoire, mais quand nous aurons gagné, demain (car nous gagnerons) quand nous aurons renversé l'oppresseur (car nous le renverserons), et arraché notre liberté, certaines d'entre nous continueront à mettre le foulard comme leurs mères, et d'autres choisiront de l'enlever, comme leurs filles, et peut-être qu'alors, nous débattrons de qui a raison et qui a tort, et de si il faut mettre des limites à certaines de nos libertés.
Nous pourrons nous demander si celles qui portent le foulard freinent l'émancipation des jeunes générations en leur donnant un mauvais exemple, ou si celles qui ne le portent pas mettent en péril l'identité et la culture de notre pays.
Peut-être même que ces discussions seront animées, et créeront des dissensions au sein des familles et des partis politiques.
Mais quand ce jour arrivera, nous saurons que nous nous sommes battues ensemble pour qu'il arrive, et nous connaîtrons notre chance, de pouvoir exprimer, librement, notre désaccord.
À vous qui êtes plus avancés sur ce chemin, à vous que nul ne bâillonne ni ne menace, je n'ai, vraiment, que cela à dire: ne vous trompez pas de combat, et aidez nous à gagner la liberté que vous partagez déjà avec vos adversaires dans ce débat. "

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