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  • Photo du rédacteurSirine Alkonost

Voix d'Iran: Les actrices, la loi et le risque


Le message d'aujourd'hui ne réclame rien ni ne donne vraiment d'informations inédites ou d'analyses décisives mais nous invite à porter un autre regard sur celles et ceux qui font le buzz.

1000 chansons enchaînées.

Hedieh Tehrani est une actrice iranienne célèbre qui a mis en danger sa propre sécurité pour défendre sa jeune collègue emprisonnée, Taraneh Alidoosti, dont nous vous avons reparlé récemment.
Hedieh Tehrani est une actrice talentueuse, qui a joué dans de nombreux films au cours de sa carrière. Elle a aussi des talents dans d'autres domaines, mais elle n'est pas à proprement parler poète, je crois.


C'est pourtant un poème de Hedieh Tehrani que je me propose de traduire pour vous aujourd'hui.

Afin que cette traduction ait un sens pour ceux d'entre vous qui ne comprennent pas ma langue, je dois d'abord vous apprendre que le prénom « Taraneh » signifie «chanson» en Persan.
Donc à chaque fois que l'auteure écrit "Chanson", lisez aussi, si vous pouvez: "Taraneh".



Mille Chansons enchaînées

Regarde, et tremble,

Armée de douleur !

La Chanson de cette belle ville

Est cachée dans le cœur des milliers-

Ils la crieront !



Au passage, il faut que vous sachiez aussi qu'il y a quelques jours, j'ai appris qu'une fille avait été arrêtée pour avoir cité le Guide Suprême.


D'accord, ma formulation est trompeuse, mais le fait est qu'elle l'a effectivement cité, sous la forme d'une broderie, sur un vêtement. (note de la traductrice: je n'ai pas la photo du vêtement, cette broderie est un hommage, envoyé par une jeune lectrice d' origine iranienne.)


Les mots en question sont : « Nous devons pleurer des larmes de sang ». Et l'ayatollah Khamenei a dit cela, il y a bien longtemps, au moment où il a découvert qu'il allait être le prochain guide suprême.
Il a dit que nous devrions pleurer du sang pour un pays dont le destin était de l'avoir pour chef.

Il disait ça pour paraître modeste, évidemment.


Son prédécesseur, l'ayatollah Khomeiny n'avait jamais utilisé de tels mots. Il n'était pas friand de ce genre d'éléments décoratifs dans ses discours ni ses écrits. D'ailleurs, Il était plus souvent appelé simplement « Guide », et non Guide Suprême.

Quoi qu'il en soit, cette femme, elle est allée en prison, parce qu'elle avait brodé les propres mots du guide suprême sur un vêtement.
(note de la traductrice, il s'agit de l'illustratrice Vajiheh Pari Zanganeh, et elle a été condamnée à 6 ans de prison).

Je vous raconte ça, parce que je veux que vous compreniez que c'est un véritable risque concret pour Hedieh de poster publiquement un poème pour sa collègue.

C'est un acte de courage impressionnant, même si cela ne semble pas être le cas, pour vous, dans votre monde libre, où vos stars peuvent dire à peu près ce qu'elles veulent.

Ici, contrairement à ce que beaucoup de gens peuvent penser, il est encore plus difficile pour les célébrités que pour les citoyens "lambda" d'agir ou de dire quoi que ce soit.

Les célébrités sont souvent contactées et averties avant même qu'elles n'aient une chance de dire quoi que ce soit. Elles reçoivent des appels, parfois d'"amis" ou de collègues, et on leur rappelle : "Ne dites rien de dangereux" ou "Ne faites pas de vagues".

Les célébrités, et surtout celles qui ne gagnent pas forcément beaucoup d'argent, sont vulnérables face aux campagnes de diffamation, aux menaces de scandale, aux agressions physiques, aux coups montés et mises en scène. Toutes ces choses qui ont en général pour but de les faire taire, mais aussi parfois d'utiliser leur notoriété pour détourner l'attention d'autres sujets sensibles.

Ce n'est jamais de tout repos, d'être une célébrité, mais en Iran, c'est peut-être encore plus compliqué qu'ailleurs.

Il est vrai qu'il est rare que le régime s'attaque à une célébrité de manière totalement officielle, comme il le fait aujourd'hui avec Taraneh, mais il est très facile de trouver une forme ou une autre de faille dans la vie de quelqu'un et d'en faire un gros problème, pour gâcher leur vie. Ils le font souvent.

Au passage cela prouve aussi que Taraneh a dû être très prudente et globalement "réglo", car sinon, ils en auraient profité pour sortir les dossiers.

Néanmoins, il s'est trouvé un journal iranien pour écrire : "Une actrice anti-sécurité, n'a pas sa place dans notre cinéma".

« Anti-sécurité » ! Au moins c'est clair, maintenant !

Désormais, on le saura: tous ceux qui apparaissent sur le grand écran sont des acteurs «Pro-Securité». Qu'on se le dise.

Un autre acteur, Fariborz Arabnia, a posté une photo de Saddam Hosein lavant ses propres vêtements en prison, après avoir été capturé par des soldats américains.

Subtil.

Mais il faut quand même avouer, que parmi tous nos acteurs, c'est Hamid Farrokhnejad qui s'est avéré un des plus malins: il a d'abord facturé une somme colossale pour jouer un rôle dans une série que l'on se doit donc, à présent, de qualifier de "Pro-Securité", puis, avant que la série ne sorte, il a quitté l'Iran.

Et ce n'est pas tout. Non seulement il a quitté l'Iran, mais une fois en sécurité, il s'est adressé directement au chef suprême et lui a dit: "Tu as été un mauvais dictateur pour nous, sois au moins un dictateur élégant pour toi-même !". Je trouve que c'est franchement bien pensé!

Certes, nous n'oublions pas qu'il a beaucoup d'argent, et qu'il est en sécurité à l'étranger, dans une honorable position d'opposition. Mais quand même, chapeau, quoi ! Maintenant ils ne peuvent pas diffuser cette série, pour laquelle ils ont dépensé des millions ! Juste parce que le personnage principal a qualifié le chef suprême de "mauvais dictateur". Quelqu'un pourra-t-il battre ça ?

Hamid a par ailleurs déclaré à propos de son revirement : "La mort de Mahsa a tout changé".

Pour ceux que ce personnage intéresse, j'ajouterai que Hamid Farrokhnejad a joué dans un film intitulé "Arous-e Atash", réalisé par le célèbre cinéaste Khosrow Sinai. Le film parle du mariage forcé et de l'expérience d'être une jeune femme, quelque part dans le sud de l'Iran.

Cela vaut la peine d'essayer, si vous êtes intéressé par les films étrangers.
Mais pour en revenir au fait, ce que nous pouvons apprendre de tout cela, c'est de ne pas plaisanter avec les artistes. Certains d'entre eux ont réussi à écrire des choses qui ont survécu à l'épreuve du temps pendant plus de mille ans.
Hedieh n'est peut-être pas aussi géniale que Ferdowsi, question poèmes, mais un de ces jours, quelqu'un pourrait bien écrire quelque chose qui ne pourra pas être effacé.

Quelqu'un pourrait dessiner quelque chose qui viendrait "tout changer".
C'est tout pour aujourd'hui, j'imagine. Ah non, j'oubliais: cher peuple de France, je suis désolé pour votre défaite en finale de la Coupe du Monde.
Pour rappel, Amir Nasr Azadani, joueur de football iranien condamné à mort après avoir participé à une manifestation, est toujours en prison.
J'ai entendu dire que la chanteuse Shakira avait recueilli un million de signatures pour sa libération.

Jin, Jiyan, Azadi
devise des féministes kurdes

Femme Vie Liberté

Soutien à la révolution iranienne en cours

Zan, Zendegi, Azadi
cri de la révolution iranienne

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