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Photo du rédacteurSirine Alkonost

Voix d'Iran : risquer la mort, par amour de la vie


Ce témoignage est arrivé de Téhéran juste après l'élimination de l'Iran. Il était resté dans les tuyaux mais n'a rien perdu de sa pertinence. Je dirais même qu'il y a sans doute plus encore d'Iraniens qui voient aujourd'hui les choses du même œil que l'auteur de ces lignes !


La coupe du monde est finie pour nous (note de la traductrice : ce message était resté dans les cartons, il date du lendemain de l'élimination de l'Iran, je croyais l'avoir déjà publié)
Pourquoi ces exécutions, et toutes ces nouvelles condamnations à mort ?
Aujourd'hui, nous avons même entendu parler de la première fille susceptible d'être condamnée à mort. Pourquoi font-ils cela ?
Autant que je sache, la façon dont le régime procède, c'est qu'il ne donne pas les informations aux organes de presse, qu'ils soient indépendants ou officiels.
Les informations trouvent souvent leur origine à travers une source non officielle.
Dans la plupart des cas, ces sources ne sont pas seulement non officielles, ce sont des comptes ou des canaux qui se présentent comme anti-régime, mais qui pourraient très bien appartenir au régime lui-même.
Si vous êtes un régime fasciste, y a plusieurs avantages à avoir une telle chaîne ou un tel compte: premièrement, vous pouvez tout nier, au besoin. Par exemple, une chaîne annonce la nouvelle qu'une adolescente va comparaître devant un tribunal pour être condamnée à mort.
Ensuite, tout le monde est choqué et des réponses émotionnelles et rhétoriques émergent.
Ensuite, un organe de presse « fiable » cherche des preuves. La BBC par exemple. Et là, ils se rendent compte qu'ils ne peuvent pas confirmer l'info. Comme le chat dans la boîte, cette fille sera ou ne sera pas exécutée. Les deux possibilités sont équivalentes et simultanées, ce n'est pas sa vie, l'enjeu.
L'enjeu , c'est que les gens du régime, ceux qui mettent tout cela en scène, aient le peuple iranien à leur merci, qu'ils puissent l'orienter là où ils le veulent, quand ils le veulent. Ils veulent qu'on soit effrayés, et ils veulent qu'on soit réduits au silence, et ils veulent que personne ne croie ce qu'on raconte.
Et cela fonctionne, en fait, mais seulement dans une certaine mesure. Et de moins en moins, j'ai l'impression.
Mais bon, c'est comme ça que ça fonctionne, à mon avis.
Bien sûr, il y a d'autres avantages à lancer une opération sous fausse bannière, mais je ne veux pas trop compliquer les choses dans ce billet.
Le but est juste de répondre à cette question ; pourquoi exécuter des gens ?
Et pour le comprendre, il importe toujours de savoir comment nous avons découvert une information. C'est ça qui est significatif. Parce que sinon, il y a tellement de personnes arrêtées, tuées, et surtout, tellement de personnes portées disparues dont il est certain qu'un pourcentage d'entre elles sont mortes, et que nous ne saurons jamais comment elles sont mortes, pourquoi cela changerait il quoi que ce soit, des exécutions ?
Nous sommes là en face d'une astuce dont la République islamique a le secret : un des nombreux outils, dans sa boîte à outils macabre, c'est d'utiliser la colère et l'angoisse en sa faveur.
Par exemple, ils aimeraient que vous pensiez qu'une actrice très célèbre a été tuée. Alors ils font en sorte que vous le pensiez. Et ensuite il s'avère qu'elle est vivante. Cela brise les vagues, pour ainsi dire.
De plus, lorsqu'il est raisonnable de s'attendre à ce qu'une personne célèbre meure, parce qu'elle est malade ou âgée, ou les deux, ou simplement parce que c'est prévu comme ça, ils commencent à diffuser de fausses nouvelles sur sa mort.
Ils continuent à le faire, malgré les démentis, ils recommencent quatre ou cinq fois, afin que les gens ne croient plus que cette personne est morte, le jour où ça arrive vraiment, et qu'ils ne réagissent plus avec la même intensité.
C'est ce que je veux dire par "briser les vagues" .
Donc, aujourd'hui, avec cette histoire de condamnée à mort, nous avons appris deux choses: le public ciblé et le choix de la tactique de "bris de vagues", par le biais de plans médias sous fausse bannière.
Seulement voilà, je l'ai déjà expliqué dans un autre billet, la boîte à outils de la République Islamique n'est pas illimitée et le peuple iranien la connaît bien, après 40 ans de pratique.
Nous connaissons tous les outils de la boîte, et si pour vous, ce catalogue d'horreur peut légitimement sembler horrifiant, pour nous, le régime ne fait que répéter son répertoire de vieilles chansons. Il a usé, dernièrement, ses dernières cartouches vaguement "inédites".

Maintenant, il bégaye.
Après que soit venue la fin de la coupe du monde pour le peuple iranien, le gouvernement qatari et la FIFA ont changé leur fusil d'épaule et décidé que la propagande politiquement chargée était acceptable, après tout, et en conséquence, les Qataris ont commencé à distribuer des tee-shirts gratuits avec l'inscription "Libérez la Palestine maintenant".
Petite digression. A en juger par la façon dont la République islamique considère la Palestine comme sa propre cour privée, je pense que les Palestiniens devraient peut-être reconsidérer leurs stratégies.
Peut-être que les Palestiniens devraient réfléchir à deux fois à leurs alliances.
Sans vouloir manquer de respect à leur combat, ni minimiser leurs souffrances, je ne peux pas m'empêcher d'imaginer qu'il risqueraient d'en arriver à regretter l'occupation par les forces israéliennes, si le prix de leur "libération" devait signifier " tomber sous la coupe du Qatar et de la République Islamique".
(N'oubliez pas la réponse de notre" guide Suprême " à la maladroite promesse du président Biden de" libérer bientôt l'Iran".
Pour ce taré, "l'Iran s'est libéré lui même il y a 43 ans", alors imaginez un peu si c'est ce régime qui parvient à enfin "libérer" le peuple palestinien... Nos cousins Palestiniens ne comprennent pas toujours très bien ce qui se passe en Iran, mais nous ne leur en voulons pas, et nous ne leur souhaitons vraiment pas de sombrer de Charybde en Scylla)
Quoi qu'il en soit, le fait est que la FIFA et le Qatar sont tous les deux des hypocrites, et que cette coupe du monde, c'est vraiment une "coupe du tiers-monde", et ça me dégoûte.
Ne vous faites pas d'illusions, vous les Français en particulier : peu importe qui gagne, cette coupe ne sera pas remplie de champagne. Ça c'est sûr.
Alors, après tout ça, dans une semaine environ, nous sommes invités à redescendre dans la rue. L'invitation vient du groupe clandestin connu comme "Les jeunes du quartier de Téhéran".
Je ne sais plus en quels termes je vous en avais parlé jusqu'ici, lors de leurs précédentes "invitations", mais ce groupe, c'est exactement ce que leur nom signifie : des jeunes, qui sont issus des différents quartiers de Téhéran.
Et ils nous demandent de descendre dans la rue pendant encore trois jours consécutifs.
Ils disent que les grèves des camionneurs fonctionnent, et que nous devrions attendre qu'elles atteignent leur plein potentiel, puis nous pourrons sortir dans la rue et donner un coup final à la République islamique.
Honnêtement, je ne pense pas que ce soit si facile et je ne pense pas que le coup final sera porté dans la rue.
Si tel était le cas, cela ne se produirait pas sans un horrible bain de sang. Et cela, parce que, même si de nombreuses personnes et institutions se déclarent solidaires, elles n'ont toujours pas d'effets tangibles sur le régime lui-même.
Nous essaierons de prendre la rue bien sûr. C'est une partie importante de la Révolution. Mais si aucune action politique réelle et forte n'est entreprise, notamment à l'international, alors oui, peu à peu, nous sombrerons dans un bain de sang.
Nous devrons alors nous battre, rue par rue et maison par maison, jusqu'à ce que le régime tombe.
Je ne voudrais vraiment pas que cela se produise. Je préférerais tellement voir une sorte de mouvement politique prendre forme.
Mais j'ai bien peur qu'on en arrive là.
La vie en Iran est intolérable pour beaucoup, et nous ne nous arrêterons pas simplement par peur de nous faire trancher la gorge, pendre ou abattre. Nous continuerons à nous battre.
Les Kurdes ne s'arrêteront pas. Le peuple Baloutche ne s'arrêtera pas.
Les étudiants, certainement pas !
Et pour quelqu'un comme moi, par exemple, eh ! je ne vois pas ce que je ferais d'autre que de continuer à me battre de toutes façons.
Je n'ai rien de mieux à faire, honnêtement, et dans le contexte actuel, il faut bien avouer que la mort n'est pas une perspective si terrible, pour qui n'a rien à espérer de la vie.
Autant dédier ce qu'il en reste à défendre un projet qui la rendrait à nouveau digne d'être vécue.
Ce projet existe, il a pour nom: Femme, Vie, Liberté,
Et c'est en son nom que "nous nous battons, nous mourons, et l'Iran, nous le reprendrons !"

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