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Photo du rédacteurSirine Alkonost

Voix d'Iran - Une Révolution de fillettes


Un Régime qui entend rester au pouvoir en tuant des petites filles et en intimidant des actrices a-t-il une chance de survivre à un soulèvement populaire ? La réponse à cette question en dira long sur le genre de monde que nous sommes prêts à accepter. Les paris sont ouverts. En attendant, voici un témoignage tout frais du jour !

(note de la traductrice: ce message a été adressé par un témoin binational vivant à Téhéran, à son épouse qui est en France avec leurs deux enfants. Ils ont accepté de le partager ici)
Ça continue de péter de partout, parfois on entend rien pendant des heures et puis tout à coup, ça part dans tous les sens... C'est un peu comme quand le maïs commence à éclater dans la casserole.
Il y a eu un raid dans une école de filles. L'école Shahid à Ardabil. J'ai lu qu'ils avaient arrêté une dizaine d'élèves. On entend dire que l'une d'entre elle serait morte à l'hôpital. D'une "hémorragie interne".
Normalement, "hémorragie interne", ça évoque un truc qui a mal tourné après un geste chirurgical, non ? Ou éventuellement une blessure grave dans un accident de la circulation...
Nous entendons "hémorragie interne" et nos yeux se voilent du sang de nos enfants, nous sentons les matraques qui s'abattent sur leur thorax ou leur visage, les coups de bottes dans l'estomac ou dans le dos, les corps que l'on voit parfois presque voler, dans les vidéos amateurs qui nous parviennent sporadiquement.
Nous entendons "hémorragie interne" et le film se lance tout seul derrière nos paupières, un très court-métrage de fillettes qui volent, au bout d'une grosse botte noire, ou du bras d'un homme de deux fois leur taille et trois fois leur âge, leurs petits corps qui volent pour juste quelques secondes, parce que très vite, il y aura un mur, un escalier ou le bord d'un trottoir pour leur rappeler le sens de la gravité.
Nous entendons "hémorragie interne" et il devient difficile de croire encore à quelque chose, à un avenir où nos petites filles ne seront pas de simples poupées de sang, qu'on envoie à la bibliothèque avec un tote bag un matin pour les récupérer à la morgue une semaine plus tard dans un body bag.
J'ai presque honte de ne pas partager cette inquiétude avec mes compatriotes, honte de me battre avec le cœur presque léger... parce qu'il dort entre tes bras.
S'il te plaît, dis à nos filles à quel point elles me manquent. Dis leur que Baba les embrasse, que je les câline souvent en pensée, quand je ferme les yeux quelques instants, pour une petite pause. Dis leur qu'elles peuvent faire pareil, et penser à moi, et fermer les yeux pour me faire un câlin elles aussi. Et qu'elles sachent que je suis en train de penser à elles, exactement au même moment, car je pense à elles sans cesse.
Mais maintenant je dois l'avouer, j'ai aussi d'autres images dans la tête, chaque fois que je ferme les yeux. D'autres petites filles. J'ai un peu l'impression que ce sont aussi les nôtres, je te l'avoue...
Des petites filles, sérieux.
Des petites filles...

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