Voix d'Iran: À gauche, à droite, de tous les côtés....
En cette journée où la diaspora iranienne se réunissait à Strasbourg pour réclamer à l'Europe des actions concrètes, ce témoignage venu de Téhéran remet en perspective les luttes internes entre les différents "courants" de l'opposition au régime.
A gauche, à droite, ou bien plutôt tout droit
16/01/23 au moins 12 000 personnes manifestent devant le parlement européen de Strasbourg pour réclamer l'inscription de l'IRGC (bras armé du Régime) sur la liste des organisations terroristes.
Dans l'ensemble, une révolution n'est pas une affaire très propre et ordonnée. Et malheureusement, il n'existe pas de normes ou de protocoles internationaux à suivre pour mener des révolutions. La position habituelle du monde est de prétendre que les révolutions ne se produisent pas. Les révolutions sont comme des problèmes de plomberie. Vous les traitez s'ils se produisent, mais vous ne gardez pas un plombier près de la porte, au cas où un tuyau viendrait à exploser.
D'un autre côté, les gens qui font la révolution elle-même, eux non plus ne savent pas forcément grand-chose de ce qu'ils font. Dans le cas particulier de l'Iran, il se trouve quand même que nous en avons fait une il y a 43 ans, une qui a fonctionné, même, et d'ailleurs croyez bien que nous sommes vraiment désolés aujourd'hui qu'elle ait fonctionné !
Les sensibilités politiques qui existent en Iran, varient de l'extrême gauche à l'extrême droite, et il y a des royalistes, des royalistes extrêmes, et il y a des nationalistes et des anarchistes, des conservateurs et des progressistes, enfin bref, nous avons de tout, en quantités variables et, il faut le dire, difficiles à évaluer (un effet secondaire courant de l'absence de liberté d'expression étant l'absence de débat démocratique).
Mais le point positif est qu'aucune de ces personnes ne veut que la République islamique perdure.
Techniquement, il ne reste vraiment pas grand monde qui veuille réellement que la république islamique continue d'exister. La république islamique est un régime criminel qui tue des enfants, viole des femmes, menace le monde entier, et a commis à peu près tous les crimes possibles en matière de répression et d'injustice envers ses citoyens.
Personne ne veut que le Régime reste, sauf les groupes très restreints qui bénéficient directement de son existence. Et même eux, je veux dire, les bénéficiaires eux-mêmes, c'est un fait connu que certains ont commencé à fuir le pays, il y en a de moins en moins.
Ce n'est qu'une question de temps (et le temps, ça peut être long, j'en suis bien conscient), à la fin ils ne seront plus assez nombreux pour conserver leur emprise, et d'une manière ou d'une autre, il y aura "un après". C'est donc normal que les gens essaient d'imaginer ce qui se passera, dans cet après, et c'est sans doute ce qui explique les remous et les altercations qui viennent parfois fissurer le front uni de notre révolution.
L'Iran avait l'un des partis politiques de gauche les plus puissants du monde à l'époque du Shah, et il y avait aussi d'autres partis de gauche qui étaient plus petits, mais pas pour autant insignifiants.
Après la Révolution, les factions de droite ont commencé à blâmer la gauche pour beaucoup de mauvaises choses qui se sont produites, y compris la révolution elle-même, puis l'URSS s'est effondrée et les communistes et socialistes se sont retrouvés de plus en plus marginalisés.
Aujourd'hui, la gauche existe toujours et elle a des choses à dire, mais il semble quand même que les factions de droite, et les royalistes, aient maintenant le dessus.
La vérité, c'est qu'ici en Iran, la plupart des gens qui veulent vraiment, et activement, la chute de la République islamique s'abstiennent d'entrer dans des polémiques sur la gauche ou la droite. Ils savent que ce serait contre productif. Ils savent que tout le spectre politique est nécessaire pour combattre ce gouvernement incroyablement absurde et intolérable.
Mais bon, on ne peut pas faire taire les gens qui veulent avoir ce débat, n'est-ce pas? Les gens aiment se projeter, je veux dire, se projeter dans un futur où un tel débat aurait un sens et une utilité. C'est humain.
Et puis, par dessus tout, les gens aiment coller des étiquettes sur les autres gens. Ils aiment dire des choses comme " Là ! ce type est un royaliste ! Attention ! "
Même si celui qui est "le prince héritier" pour lesdits royalistes, clame lui-même partout où on veut bien l'entendre qu'il n'insiste pas pour avoir le trône, et qu'il pense que ce qui compte le plus, c'est d'implanter un système qui peut fonctionner en intégrant la liberté et la démocratie, plutôt que de créer une autre dictature, il y a toujours ceux qui disent que le prince est incompétent et qu'ils veulent quelqu'un qui ressemble plus à son grand-père, qui était beaucoup plus grand, qui avait une moustache et qui était craint de tous.
Ce grand-père a fini en exil, dans une très belle île tropicale, mais ça ils s'en fichent, les gens. En ce moment, ils veulent un leader charismatique, ferme, grand, bruyant et colérique. Nous ne pouvons pas les faire changer d'avis, peu importe nos efforts. C'est la vie.
Mais le fait est que, au cas où vous vous poseriez des questions sur toute l'agitation autour de la gauche et de la droite, des couronnes et des trônes et tout cela, il est inutile de vous faire des nœuds au cerveau. Souvenez-vous simplement que la République islamique est toujours au pouvoir, et si elle n'est pas renversée, personne n'aura quoi que ce soit. Ni trône, ni couronne, ni parlement, ni moustache, ni élections libres!
Il doit y avoir un renversement. Et puis il devra y avoir un état de transition, qui agira comme une plate-forme, sur laquelle différentes visions pourront s'affronter, de préférence lors d'élections justes et pacifiques.
Et si cela ne se produit pas, et bien nous continuerons à nous battre jusqu'à ce que cela se produise. C'est comme ça que ça va se passer. Les gens devraient l'avoir compris maintenant.
Mais comme je l'ai déjà dit, je crois, il y a ceux qui ne comprennent tout simplement pas, peu importe comment on le leur explique. Nous continuons cependant d'expliquer, car l'espoir est le carburant de la victoire, et la persévérance est la meilleure des armes, dans une guerre d'usure.
Donc. Les royalistes d'Iran sont généralement favorables à ce que nous appelons une monarchie constitutionnelle. Cela signifie qu'il y aurait un roi, mais le roi ne serait pas au-dessus de la loi, et il devrait obéir à la loi comme n'importe qui d'autre. La loi serait établie par le Parlement et les membres du parlement seraient élus directement par le peuple.
Les républicains d'Iran, eux, veulent avoir un président, tout comme la France par exemple, et ils aimeraient pouvoir voter pour élire ce président tous les 4-5 ans. Ils sont en faveur d'avoir plusieurs partis politiques, qui seraient en concurrence d'une façon qui soit encadrée par la loi.
Il y a aussi des gens qui se situent en périphérie de ces deux positions, mais ne compliquons pas trop les choses à ce stade.
C'est vraiment comme ça que cela se divise, dans les grandes lignes. Et vous qui n'êtes pas Iraniens, et qui revenez nous lire et nous soutenir parce que vous êtes du côté de la liberté et de la démocratie, vous n'avez pas besoin de prêter attention à quiconque se démène pour jeter de la boue sur le voisin, au lieu de combattre la République islamique elle-même.
Actuellement, quiconque choisit de combattre quelqu'un d'autre, agit en faveur de la république islamique. C'est vraiment tout ce que je peux dire à ce sujet. Restez concentré, les gens. Ne vous laissez pas distraire.
(Note de la traductrice: malgré ce qu'il en dit juste au dessus, l'auteur de ce message avait en fait davantage de choses à dire sur ce sujet, et m'a fait parvenir un autre message quelques heures plus tard, qui me semble être un addendum à celui-ci. La traduction est en cours, je le mettrai en ligne demain)
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Jin, Jiyan, Azadi devise des féministes kurdes
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