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  • Photo du rédacteurSirine Alkonost

Voix d'Iran: ça peut toujours être pire

Nous étions des dizaines de milliers à Bruxelles, hier. Le silence des médias est assourdissant, mais je me laisse un peu de temps pour revenir là dessus. Le témoignage d'aujourd'hui parle d'autre chose, et pourrait aider ceux qui en doutent encore à comprendre pourquoi notre combat concerne tout le monde.

Quand il n'y a plus rien à dépenser, nous donnons un morceau de nous-mêmes chaque fois que nous sommes confrontés aux exigences de la vie. Lorsque toutes les ressources sont épuisées, nous sommes obligés de nous rétrécir nous mêmes, petit bout par petit bout, à chaque nouvelle exigence.

Nous nous rétrécissons, jusque dans notre existence même. Pas seulement nos ressources physiques, matérielles et financières, mais nos ressources morales et psychologiques aussi. Nos personnalités rétrécissent. Nos âmes rétrécissent, petit bout par petit bout, à chaque vague de mauvaises nouvelles, de pertes ou de menaces.

Les tremblements de terre, frappant les uns après les autres, sont devenus presque une manifestation littérale de l'expression «de tous les côtés», et d'ailleurs, la vie ne formule pas ses exigences que depuis les côtés. Elle attaque depuis l'intérieur et l'extérieur, et de haut en bas, de bas en haut, et des profondeurs vers la surface.

Chaque fois que la monnaie baisse, cela ne fait pas que diminuer notre budget, c'est également insultant, humiliant et déshumanisant. Et au fur et à mesure, les insultes ouvrent la voie à des feux croisés. Les insultes, ça fonctionne comme ça. Quand quelqu'un vous insulte, il devrait s'attendre à être insulté en retour. Et quand la vie commence à nous insulter, au bout d'un moment, c'est la vie elle-même qui devient la cible de nos imprécations.

Le taux de 50, ou techniquement, 500 mille rials iraniens, pour un seul dollar américain, est comme un repère psychologique, qui représente un point où beaucoup se sentent insultés et humiliés, au point de ne plus pouvoir s'accrocher à leurs valeurs morales.

Les prix de la nourriture et d'autres produits de base, les prix de l'immobilier, tous augmentent maintenant, en conséquence instantanée de la chute de la valeur de nos devises. Cela se produit presque simultanément, alors qu'il y avait normalement un écart de plus ou moins trois mois, dans un passé pas si lointain. Il semble que nous soyons au bord d'une panique générale. Peut-être que personne ne panique encore, mais on dirait qu'ils pourraient - nous pourrions - basculer à tout moment.

Et que tous les morceaux de chair et d'âme qui s'évaporent dans l'atmosphère créent une vapeur toxique qui revient hanter ce qui reste de nous...

La mesure dans laquelle la vie des humains peut perdre de la valeur, est un nombre infini, selon les témoins de l'Histoire, dans des endroits comme, disons, Auschwitz ou les régions d'Afrique frappées par la guerre, ou n'importe où, an fait. La situation peut toujours s'aggraver. On ne s'y attend presque jamais, ou alors les gens ne pensent pas que c'est possible, mais c'est possible, et cela devient alors des "heures sombres" de l'histoire.

Et quand on repense à ces heures sombres, on se dit :"ça aurait pu être évité, si seulement...".

Ce "si seulement" inclut le trope "Je ne faisais que suivre les ordres", plus que toute autre chose, mais ce n'est pas le seul élément nécessaire pour arriver à un point comme Auschwitz. Je suppose que vous me lisez depuis l'occident, et que donc vous savez tous à quel point c'était horrible, Auschwitz. Entre autres atrocités, ils y fabriquaient du savon avec de la graisse humaine. Les gens là-bas étaient tous déshumanisés au point de devenir des ingrédients dans un savon.

Mais, les éléments pour en arriver là, mis à part l'omniprésent "Je ne faisais que suivre les ordres" ont été des choses plus subtiles, comme lorsque Neville Chamberlain, Premier ministre du Royaume-Uni, a déclaré, le 30 septembre 1938 : "... et je vous recommande de rentrer chez vous et de dormir tranquillement dans vos lits." aux personnes qui s'étaient rassemblées sous les fenêtres du 10 Downing street.

Hitler avait dit "Ma patience touche maintenant à sa fin" quelques jours plus tôt, le 26 septembre précisément.

Aujourd'hui, le gouvernement de la Grande-Bretagne est confronté à une réalité nouvelle et embarrassante. Une chaîne de télévision internationale a dû quitter ses studios à Londres, suite aux menaces de la République Islamique. La police britannique, ou quiconque est chargé d'assurer une sécurité suffisante au personnel d'Iran International, n'a officiellement pas été en mesure de les protéger.

Ils ont basculé leur activité vers l'un de leurs studios à Washington DC pour l'instant. Ainsi, la diffusion des programmes n'a pas été interrompue, mais leurs vies ont été interrompues et affectées.

Cela doit sembler insultant, voire humiliant, pour certains britanniques, qu'une «République Islamique» puisse devenir une nuisance, pour le gouvernement de Sa Majesté, et à un tel degré. Mais mes inquiétudes sont bien pires. Comme je l'ai dit, les choses peuvent toujours s'aggraver, et bien plus que nous ne pouvons l'imaginer.

Et si la République islamique parvenait à déclencher un casse-tête bien plus important ? Et s'ils parvenaient à provoquer cette guerre dont ils rêvent depuis si longtemps ? Nous savons tous que la guerre Iran-Irak a fourni une excuse à la République islamique, une couverture commode quoique sanglante sous laquelle commettre des atrocités, dont nous restent encore des charniers et de nombreuses âmes brisées.

Les principaux décideurs de la République islamique estiment qu'une autre guerre leur fournirait cette fois encore l'excuse dont ils ont besoin pour éteindre le feu qui brûle leur forteresse de pouvoir. Ils ne reculeront devant rien, comme ils l'ont montré à maintes reprises, pour servir leur propre volonté de rester au pouvoir.

Et si la République Islamique parvenait à étendre les flammes de son existence insignifiante et honteuse au reste du monde ?

Et si le « reste du monde » se retrouvait alors obligé d'utiliser toute la mesure de son pouvoir pour sauver l'humanité de cette machine qui ne connaît que le langage de la violence et de la domination ?

Cet élément, je l'appellerais : le refus d'agir (ou de croire, ou de penser) « à temps », à propos de la réalité - qui est très claire à ce stade - concernant les dictateurs.

Le 5 octobre 1938, Winston Churchill a fait une déclaration lors de ce qui restera dans les mémoires comme « le débat de Munich » : "Beaucoup de gens, sans doute, croient honnêtement qu'ils ne font que trahir les intérêts de la Tchécoslovaquie, alors que je crains que nous ne constations que nous avons profondément compromis, et peut-être fatalement mis en danger, la sécurité et même l'indépendance de la Grande-Bretagne et de la France."

Churchill avait raison, comme cela a été prouvé plus tard. Et même si Hitler n'avait pas envahi la Tchécoslovaquie, il aurait eu raison de dire que la Grande-Bretagne et la France n'auraient pas dû laisser leur sécurité à la merci du hasard, ou de la volonté d'Hitler, pour ainsi dire.

Ce n'est pas une mince affaire, à mon avis, que la liberté d'expression ait été forcée de reculer, à l'intérieur des limites de Londres, même si ce recul est celui d'une chaîne d'information en persan financée depuis l'étranger. C'est un signe de faiblesse, dans la défense de la démocratie, face à la dictature iranienne, dans le cœur de la capitale de la Grande-Bretagne.

Les intérêts de la nouvelle révolution iranienne sont désormais liés à la sécurité de la démocratie au Royaume-Uni et dans le reste de l'Europe. Ce serait une erreur majeure et peut-être "fatale", selon les mots de Churchill, si je peux me permettre de le citer de cette manière, de prendre cette affaire à la légère.

Le peuple iranien, quoi qu'il arrive, ne peut être retiré de l'équation. Il ne pourra jamais y avoir de stabilité, tant que le peuple iranien sera pratiquement retenu en otage et que les puissances occidentales continueront de jouer avec l'idée d'avoir un quelconque dialogue politique avec la République islamique.

Hitler avait réussi à tromper le Premier ministre britannique et à le convaincre que l'Allemagne n'attaquerait pas. Ne vous imaginez pas que vous ne pourriez pas être dupes, à votre tour.

Il est temps que le monde comprenne que l'idée de démocratie et l'idée de liberté doivent être protégées, de la même manière que l'intégrité territoriale d'une nation doit être protégée.

La démocratie est une terre où la liberté devient possible. Peu importe où dans le monde elle est compromise, la liberté de chaque être humain sur la planète est alors menacée.

Les réactions arrivent tardivement, et elles semblent faibles, de notre point de vue, ici, à l'intérieur de l'Iran. Ne vous méprenez pas sur l'atmosphère relativement calme. L'Iran d'aujourd'hui est un baril de poudre.
La seule façon de neutraliser la possibilité d'une catastrophe majeure est d'embrasser, de défendre et d'honorer les principes de la démocratie et de la liberté, sans frontières ni aucun autre type de discrimination.
Soyez notre voix. Ne serait-ce que pour vous assurer de pouvoir encore faire entendre la vôtre.

Jin, Jiyan, Azadi
devise des féministes kurdes

Femme Vie Liberté

Soutien à la révolution iranienne en cours

Zan, Zendegi, Azadi
cri de la révolution iranienne

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