Voix d'Iran: nous avons tous besoin de vous (quand leurs cordes cherchent nos cous)
Depuis le début de ce blog, je n'y ai partagé que des témoignages de mes proches. Je ne connais pas Danial, et si sa voix nous parvient quand même, ainsi que le récit glaçant de son arrestation arbitraire et de ses 15 jours de détention, c'est grâce au lien qu'il a tissé avec Hoda, de Téhéran à Paris.
Hoda Sajjadi m'a contactée par le biais du compte Facebook associé à ce blog.
Elle m'a proposé d'y diffuser ce témoignage qu'elle a reçu d'Iran, sous la forme de messages audios, et qui apporte un peu plus de réalité (même si il reste pudique) à ces mots que nous entendons ou lisons trop souvent ces derniers temps, sans pour autant forcément en saisir pleinement le sens: "arrestation arbitraire", "disparitions", " aveux obtenus sous la torture".
Danial est dans la trentaine, il travaille à Téhéran. Il était déjà en contact avec Hoda avant ces évènements (par le biais de l'association d'échange interculturels et d'aide au développement local, PARMIDA qu'elle a fondée en 2018), et c'est donc tout naturellement vers elle qu'il s'est tourné quand il ressenti le besoin de partager avec quelqu'un en dehors d'Iran, les horreurs qu'il a vécues, suite à son "arrestation" au début du mois de novembre.
Son témoignage contient, bien évidemment, sa profonde détresse mais aussi son espoir.
J'ai le cœur brisé de le partager avec vous ce soir, mais je suis en même temps heureuse, fière et confiante, et plus encore, reconnaissante à Danial et Hoda de nous fournir cette nouvelle preuve que l'avenir est dans le lien.
"Gagner tous ensemble, ou perdre chacun dans son coin", nous savions depuis le début qu'il n'y avait pas d'autre voie.
Je vous laisse donc, pour ce soir, avec le courage et la confiance de Danial, en espérant que vous y trouviez l'élan pour continuer, vous aussi à porter les voix du peuple iranien en lutte, et à créer des liens, partout où c'est possible.
"Ça s'est passé sur le chemin pour aller à mon travail. Je travaille dans un commerce. Et donc, c'était dans la rue, et nous étions quelques personnes en train de marcher vers un arrêt de bus.
Un groupe de lebâss shakhssi nous ont repérés et attaqués sans aucune raison. Ils nous ont tabassés.
(Note de la traductrice: cette expression, qui signifie littéralement "vêtements personnels", désigne les membres d'un corps des forces armées agissant en civil, et réputés pour leur violence)
Moi, ils m'ont poussé dans un caniveau, et deux de mes dents ont été cassées.
Ils nous donnaient sans cesse des coups alors j’ai juste essayé de me protéger la tête avec mes bras. Ensuite ils m’ont embarqué à l'arrière d'un véhicule bizarre avec les autres.
Ils nous ont emmenés dans un endroit inconnu. C'était comme une grande cave avec de l’eau qui atteignait mes genoux.
On m’a gardé 15 jours dans cette situation - dans cette espèce de cave où l’eau m'arrivait aux genoux.
J’entendais des gens crier de douleur dans les autres pièces. Ils suppliaient et ils juraient sur tous les saints chiites mais ces gens là (les lebâss shakhssi) n'y prêtaient aucune attention.
Tous ces cris n'avaient aucun effet sur eux.
Depuis la pièce à côté, j’entendais quelqu’un qui réclamait la mort en criant et en appelant Dieu à son secours.
On m’a fait sortir de la cave pour me frapper et ils m’ont touché dans des endroits que j’ai honte de vous décrire.
A ce moment précis, je n’avais qu’une seule envie: mourir.
Au bout de 15 jours à être frappé et torturé et détenu dans l’humidité, j’ai avoué tout ce qu’ils m’ont demandé d’avouer et ensuite ils m’ont relâché.
J’ai très peur qu’ils reviennent me chercher mais je n'ai aucun doute: nous sommes en train de vivre la fin de cette dictature..."
(note de la traductrice: Danial est un prénom d'emprunt)
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